Ni droite ni gauche : slogan tactique ou nouvelle conception de la politique ?
La formule « ni droite, ni gauche » se veut un remède à l’immense crise de la politique et de la représentation nationale.
« Ni droite ni gauche » : ceux qui prennent à leur compte cette formule sont, pour la gauche, forcément de droite. En fait, la question est beaucoup plus complexe.
Qu’on en juge par ces quelques exemples. Le général de Gaulle affichait un grand mépris du régime des partis, ambitionnant de rassembler au-delà des étiquettes. On distinguait à l’époque les gaullistes de droite et les gaullistes de gauche. Mais où se situait de Gaulle lui-même, qui avait des liens avec le comte de Paris et déclarait dans ses Mémoires avoir voulu « doter l’État d’institutions qui lui rendent, sous une forme appropriée aux temps modernes, la stabilité et la continuité dont il est privé depuis cent soixante-neuf ans » ? Difficile de faire le tri entre ses intentions véritables et le mythe qu’il s’est créé.
Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre, préconisait une « nouvelle société » : il voulait séduire jusqu’aux rangs de la gauche. En 2002, Jean-Pierre Chevènement chercha à s’affranchir du clivage droite-gauche et à rassembler les Républicains des deux rives. Était-il un homme de droite, lui qu’on plaçait généralement à la gauche du Parti socialiste ? Il est vrai qu’il fréquente aujourd’hui Nicolas Dupont-Aignan, dont il partage le souverainisme. Preuve que des valeurs communes peuvent dépasser les lignes traditionnelles. Et ne voit-on pas Emmanuel Macron lancer un nouveau mouvement politique, rêvant de proposer des mesures « pas à droite, pas à gauche » ?
Le Front national est aussi un adepte du « ni droite, ni gauche » : il compte effectivement des électeurs venus de tous les horizons, y compris du Parti communiste. Non pas parce qu’il serait d’abord un parti de protestation, mais parce qu’il prétend combattre un système usé et vieillissant. Il dénonce les accointances entre les partis dits de gouvernement, la fameuse UMPS ou son avatar, LRPS.
Les partisans du « ni droite, ni gauche » se répartissent, semble-t-il, en deux catégories. D’un côté, ceux qui veulent élargir les frontières de la gauche, en empiétant largement sur la droite (ou vice-versa) : c’est le cas d’Emmanuel Macron, ou encore de Jean-Pierre Raffarin, qui, en décembre 2015, appelait Les Républicains et le Parti socialiste à« travailler ensemble » sur certains sujets, notamment sur l’emploi. De l’autre, ceux qui soulignent l’échec des partis traditionnels, rejettent les élites actuelles et veulent renouveler la politique.
La formule « ni droite, ni gauche », quand elle n’est pas opportuniste, se veut un remède à l’immense crise de la politique et de la représentation nationale. Crise qui ne pourra se résoudre que par un profond remaniement des institutions. L’instauration de la proportionnelle, promesse non tenue de François Hollande, pourrait être un premier pas pour sortir la politique de ses ornières. D’autres mesures favoriseraient une réelle démocratie participative, qui rapprocherait le peuple de ses gouvernants.
Mais, au-delà de ces réformes structurelles, pour redonner à la politique un souffle de renouveau, il faudrait mettre en honneur des valeurs que pourrait partager une grande majorité des Français. Elles s’appellent indépendance, souveraineté, humanisme, respect et transmission de notre patrimoine, rayonnement culturel, refus de la démagogie, cette perversion de la démocratie… Elles ne sont ni de droite, ni de gauche : elles sont tout simplement françaises et peuvent prétendre légitimement à l’universalité. Est-ce une utopie ? Eh bien ! Si c’est le cas, celui qui aspire à gouverner doit être, selon le mot de Victor Hugo, « l’homme des utopies » !
Professeur honoraire
Source : bvoltaire.fr/