Amnesty International : comment la France finance l’islamisme en Syrie
L’opposition syrienne n’a pas exactement la même vision que la nôtre des rapports de forces démocratiques…
La politique est peut-être chose trop sérieuse pour être abandonnée aux militaires, mais quand on la laisse aussi à ceux qui font mine de nous gouverner, il est logique que le temps tourne au vilain. Ainsi, ce rapport d’Amnesty International, cité par nos confrères d’Atlantico, qui nous en dit de bien belles sur l’aide française apportée aux « démocrates » syriens.
D’André Malraux à Bernard-Henri Lévy, plus longue est la chute de ces intellectuels plus ou moins avérés qui se prennent tour à tour pour prophètes ou stratèges. Les « républicains espagnols » d’un côté, qui n’avaient de « républicain » que le nom ; et aujourd’hui les « démocrates » syriens, n’ayant de « démocrate » que l’étiquette. Et le rapport en question de nous rappeler que l’opposition syrienne n’a pas exactement la même vision que la nôtre des rapports de force démocratiques.
Simple exemple : « Certains groupes armés non étatiques définissent leurs propres systèmes judiciaires fondés sur la charia dans les zones qu’ils contrôlent, et mettent sur pied des forces de police et ces centres de rétention non officiels. Ils nomment également des juges dont certains ne connaissent pas la charia. »
Dans la foulée, certaines milices financées et armées par la France, dont le mouvement Nour al-Din al-Zenki et le Front al-Nosra, sont les épigones directs d’Al-Qaïda, mouvement que la France est pourtant censée combattre depuis les attentats du 11 septembre 2001. Mieux (ou pire) : ces mêmes mouvements n’ont pas été les derniers à se féliciter des tueries du 13 novembre dernier. Certes, ces brigades, constituées de bric et de broc, sont censées lutter contre la soldatesque de Daech. Et alors ? Gentils ? Pas gentils ? Méchants ? Ou pas trop méchants ? La vérité est qu’en Libye comme en Syrie, nous avons affaire à un monde tribal et féodal. Où les alliances se nouent et se dénouent au fil d’allégeances claniques et familiales. Où il conviendrait, tel que rappelle régulièrement notre confrère Bernard Lugan en ces colonnes, de prendre en compte ces réalités locales plutôt que de calquer de force nos schémas sur les leurs et d’arrêter, surtout, de croire que notre modèle civilisationnel demeure insurpassable. Bref, d’en finir avec un colonialisme imbécile, d’autant plus imbécile que les pays en question ont, depuis longtemps, cessé d’être des colonies.
Assez logiquement, le peu qu’il demeure de diplomatie française se résumerait donc à la seule défense des chrétiens d’Orient ; même la très anticléricale Troisième République s’y tenait corps et âme. Mais la défense d’une minorité religieuse, chrétienne ou pas, ne saurait tenir lieu de politique étrangère. En effet, quid des musulmans chiites et des Kurdes, minorités elles aussi menacées ?
Le gag ultime, c’est que cette politique de gribouille a été en grande partie menée sous l’égide du général Benoît Puga, chef d’état-major particulier de François Hollande. L’homme plaît aux milieux nationalistes, puisque étant catholique de tradition et issu d’une famille plus que proche des milieux de l’Algérie française. Une sorte de ganache de droite, en quelque sorte.
Alors, de deux choses l’une : ou, passablement ahuri, malgré ses glorieux états de service, le général Puga fait le sale boulot du mondialisme de combat promu par l’Élysée. Ou il est parfaitement lucide et c’est pire encore. Catholique de tradition et traditionnellement con ? Ça s’est déjà vu. Beaucoup trop vu, à en juger de l’Histoire de France. Le général Boulanger avait au moins eu la décence de se brûler la cervelle sur la tombe de sa maîtresse, en Belgique. L’adjudant-chef Puga aura-t-il au moins celle de s’étouffer avec un macaron Ladurée, à la terrasse des Deux Magots, en compagnie de BHL ? Rien n’est moins sûr, sachant que les bonnes manières ont tendance à se perdre, surtout chez les traîneurs de sabre, fussent-ils faits de bois.
Journaliste, écrivain