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Ascension d’un prince guerrier en Arabie …

Publié par medisma sur 23 Juin 2017, 20:17pm

Ascension d’un prince guerrier en Arabie …

Le décret royal du 21 Juin par le roi Salman d’Arabie Saoudite nommant son fils Mohammed bin Salman comme prince héritier et comme celui qui sera le prochain à s’assoir sur le trône est un tournant dans la politique du Moyen-Orient. Un tel développement était prévu depuis un certain temps, mais quand il s’est réellement réalisé, il semble encore énorme et quelque peu incroyable.

Pour commencer, Mohamed Ben Salmane, âgé de 31 ans, que beaucoup ont tendance à appeler par dérision le « prince guerrier », a acquis la réputation d’être un irréfléchi dans l’usage de la force. La guerre d’une brutalité extrême au Yémen est la signature de son projet de politique étrangère. L’Arabie Saoudite, connue pour sa prudence et sa lenteur extrême à prendre des décisions, a changé de façon remarquable depuis que MBS a été projeté aux côtés du roi Salman au centre de la scène du régime saoudien en Janvier à 2015.

Compte tenu de l’âge et de l’état de santé du roi Salman, MBS est en train d’être positionné à l’avance afin qu’il n’y ait pas de lutte de succession. MBS a progressivement resserré son emprise sur les instruments clés du pouvoir tout au long de ces deux dernières années – l’appareil de sécurité nationale et du renseignement, les forces armées et l’industrie pétrolière – dans une féroce lutte pour le pouvoir contre le prince héritier Mohammed Nayef, qui vient de perdre la partie et se retire de l’arène.

Avec les pouvoirs considérables relevant du clientélisme dévolus à MBS en tant que prince héritier, ne nous trompons pas, le gagnant prend tout. Bref, la puissante maison du golfe Persique – non, du Moyen-Orient – est sur le point d’avoir un nouveau maître qui n’a que 31 ans et peut diriger l’Arabie Saoudite pendant des décennies.

Il est impossible de ne pas relever le timing de ce changement du pivot du pouvoir. Il se produit exactement un mois après la visite du président américain Donald Trump en Arabie Saoudite. La visite de Trump a relancé l’alliance américano-saoudienne, qui était à la dérive au cours du deuxième mandat du président Barack Obama. MBS a émergé comme le premier interlocuteur de l’administration Trump au sein du régime saoudien, supplantant Nayef qui avait l’habitude d’être le favori de l’administration Obama.

MBS a tissé des liens au niveau personnel avec le gendre de Trump Jared Kushner. Dans un geste rare, le prince a invité Kushner et sa femme Ivanka Trump à sa résidence pour un repas privé lors de la visite du beau-père Trump à Riyad. Ainsi, les relations saoudo-américaines seront désormais une affaire de famille douillette, exclusive, secrète, empreinte d’un esprit « gagnant-gagnant » – comme c’était l’habitude au temps des jours heureux quand la famille Bush détenait le pouvoir aux États-Unis.

La visite de Trump à Riyad a lancé le signal que l’Arabie Saoudite retrouvait sa stature de premier partenaire des États-Unis au Moyen-Orient musulman. Trump a publiquement approuvé la position saoudienne dans son bras de fer avec le Qatar, bras de fer qui, soit dit en passant, est largement attribuée à MBS.

MBS est largement considéré comme le cerveau de la politique dure visant à isoler le Qatar pour le soumettre et il l’a personnellement pratiquement poussé du côté Iranien dans la stratégie régionale saoudienne. Par conséquent, la montée de MBS impacte sur la politique du Moyen-Orient le long des lignes de faille suivantes:

  • La guerre au Yémen;
  • Le bras de fer avec le Qatar;
  • Les tensions saoudo-iraniennes;
  • L’axe régional saoudo-israélien naissant;
  • Situation en Syrie et à Gaza et/ou au Liban; et,
  • La répression à Bahreïn.

Il reste à voir si l’unité du Conseil de coopération du Golfe (CCG) peut être préservée. MBS jouit de rapports personnels avec le cheikh Mohammed bin Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi aux Emirats Arabes Unis. Mais d’autres pays du CCG – le Koweït, Oman et le Qatar – ont un profond sentiment de malaise sur le « prince guerrier » et cela peut conduire à des réalignements majeurs dans le golfe Persique.

D’une part, MBS peut faire progresser la normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et Israël. Si cela se produit, Israël rompt son isolement et le conflit arabo-israélien ne pourra jamais plus être le même. Et puis, il est concevable que MBS puisse abandonner les Palestiniens à leur sort. D’autre part, l’Iran aussi pourrait enfin réussir à pratiquer une brèche dans le cordon du CCG que l’Arabie Saoudite avait érigé, ce qui, à son tour, peut quelque peu brouiller la fracture sectaire dans le Moyen-Orient musulman et provoquer une convergence d’intérêts avec le Qatar et la Turquie en ce qui concerne la perception de l’hégémonie saoudienne.

MBS est pressé. Il a des idées radicales pour transformer la société saoudienne et son économie dans le contexte de la Vision 2030. Il a introduit des technocrates éduqués en Occident dans l’appareil gouvernemental, en remplacement de la vieille garde. Comment l’establishment religieux conservateur considère ces vents du changement reste la grande « inconnue inconnue » – en particulier le style de gestion de MBS», comme son ouverture aux idées novatrices, son profil public unique dans un pays profondément conservateur, son caractère téméraire et sa volonté de briser les conventions.

Il y a en effet beaucoup de désaffection refoulée à l’intérieur de l’Arabie Saoudite, ce qui rend la période de réforme et de transition très délicate. L’exemple de l’Iran du Shah vient immédiatement à l’esprit. En dernière analyse, la grande question est donc Qui est le vrai MBS?

De toute évidence, sa conduite à ce jour ne peut suffire à comprendre sa personnalité, car elle était avant tout le reflet d’un plan d’action rapide, décisif pour écarter le prince héritier en titre et prendre sa place. Maintenant que la prise réelle des leviers du pouvoir par MBS est en train d’être définitivement entérinée, ses priorités pourraient changer. En effet, il y a un côté intrigant dans sa personnalité – son rôle personnel dans la mise en place des relations de travail entre l’Arabie Saoudite et Moscou, sa détermination à réduire la dépendance de l’économie vis à vis du pétrole, son appel à la jeunesse saoudienne comme signe annonciateur de « changement » et ainsi de suite. C’est qu’en effet la stabilité sociale et politique du pays est essentielle pour la réussite de la Vision 2030 sur laquelle MBS a adossé son prestige, en prévoyant de vastes réformes structurelles, la restructuration de la géo-économie et l’injection d’investissements massifs.

La récente visite du roi Salman en Chine a montré que le MBS comprenait le potentiel d’une connexion entre sa Vision 2030 et Initiative de la ceinture et la route de la Chine. Bien sûr, la Chine est hautement favorable à l’idée, elle aussi. Des contrats de 65 milliards $ ont été signés à Beijing lors de la visite du roi Salman. De même, le MBS a été un visiteur fréquent au Kremlin et jouit d’un certain niveau dans ses rapports personnels avec le président Vladimir Poutine. La décision de l’OPEP pour la réduction de la production de pétrole a été une entreprise commune dans laquelle Poutine avait un rôle « direct ». Rosneft a manifesté leur intérêt pour l’acquisition de parts dans Aramco lorsque sa « privatisation » commencera l’année prochaine, et lors de la récente rencontre du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, les deux pays ont convenu de mettre en place un fonds d’investissement énergétique commun.

MBS, qui est ministre de la Défense de l’Arabie Saoudite, a également intensifié la coopération militaire de son pays avec la Russie et la Chine. Un projet notable sera l’usine de drones chinois qui sera mise en place en Arabie Saoudite. En plus, la Russie est en pourparlers actuellement pour la vente de chars de combat T-80 à l’Arabie Saoudite, entre autres armes.

En définitive, MBS est tout à fait conscient des perspectives transparentes que la mise en place d’un monde multipolaire peut offrir. Il est utile de se rappeler que MBS est le seul prince saoudien qui n’ait jamais fréquenté une université occidentale. Il est loin d’être un néophyte dans le monde de la politique non plus, ayant commencé comme conseiller à plein temps au conseil des ministres en 2007.

En effet, sa marque de fabrique est son affirmation de soi dans les politiques étrangères qui contraste fortement avec le style traditionnel saoudien, et qui, par conséquent, apparait agressif. Cependant, il faut prendre en considération le fait que la guerre au Yémen et l’attitude criarde anti-Iran sont très populaires dans l’opinion publique nationale en termes d’émergence du nationalisme saoudien. La grande question, donc, sera comment il utilisera l’essor du nationalisme – parmi les jeunes, en particulier – dans son plan extrêmement ambitieux de réformer et de moderniser le pays. Traditionnellement, les dirigeants saoudiens tiraient leur légitimité de l’approbation de l’establishment religieux wahhabite. (Lire un texte d’Al Jazeera sur le profil de MBS ici .)

M K Bhadrakumar

Source : http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2017/06/22/a-warrior-prince-rises-in-arabia-as-the-monarch-of-all-he-surveys/

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