Quand une réforme fiscale, égalitaire et démocratique,
mène à la banqueroute ! En 1901, Le Maroc traverse
une grave crise d’autorité. Le désordre régnant se généralise à tout le pays et la levée des impôts s’avère problématique pour le Sultan. Non payés, les soldats fuient l’armée. L’anarchie pointe
de partout. La situation s’aggrave à la fin de l’année lorsque le Makhzen institue un nouvel impôt unique, le Tertib en remplacement des anciens impôts religieux tels que la Zakat et l’Achour. Ce
nouveau mode de taxation touche tous les biens agricoles, selon la superficie cultivée, le nombre d’arbres fruitiers, l’importance du cheptel….et ce, avec suppression de toutes les exemptions et
privilèges dont jouissaient les confréries religieuses, les tribus guich, les autorités makhzeniennes et les caids. Ces derniers qui en assuraient la perception, en tiraient un pourcentage et en
étaient dispensés, exhalent leur colère.
La mise en application de cette réforme fiscale pourtant démocratique et égalitaire, inspirée de l’income-tax anglais, se révèle immédiatement impraticable, car elle provoque une levée de boucliers. Les conservateurs dénoncent une mesure qui heurte les traditions et considèrent comme une impiété la suppression des impôts coraniques.
Les premières tentatives pour lever le Tertib sur les tribus habituellement les plus dociles se heurtent à des résistances menaçantes.
Les populations ne paient donc plus d’impôts, l’alimentation du trésor est tarie. Le
Makhzen dispose encore des impôts indirects, principalement du produit des droits de douane, mais ceux-ci sont déjà engagés pour solder diverses créances. A la fin de 1901, les caisses du Makhzen
sont vides.
Dans le même temps, les dépenses se sont gonflées brusquement : expéditions militaires pour réprimer les dissidences, argent distribué aux notables locaux afin de s’assurer de leur fidélité, prodigalités du Sultan qui effectue de nombreux et coûteux achats à l’étranger, déficit croissant de la balance commerciale, frappes monétaires excessives, baisse de la production agricole car les fellahs ne considèrent plus comme nécessaire de produire au-delà de leur subsistance….
La crise marocaine au début de 1902 est multiforme : crise d’autorité, crise sociale, crise économique, financière et monétaire.
Le Makhzen est alors au bord de la banqueroute. Et pour éviter la faillite, il se voit acculé à l’emprunt et doit recourir à l’aide du capital étranger.
Et cet emprunt auprès de l’étranger s’avérera fatal pour le Maroc.
(Voir article suivant intitulé ‘Emprunt fatal’)
Medisma