Fusion explosive de la dislocation géopolitique et de la crise économique et financière mondiales
Toutes les
conditions sont désormais réunies pour que le second semestre 2011 soit le théâtre de la fusion explosive des deux tendances fondamentales qui sous-tendent la crise systémique mondiale, à savoir
la dislocation géopolitique globale, d'une part, et la crise économique et financière globale, d'autre part.
Depuis plusieurs mois en effet, le monde connaît une succession quasiment ininterrompue de chocs géopolitiques, économiques et financiers qui constituent les signes avant-coureurs d'un événement
traumatique majeur.
Parallèlement le système international a désormais dépassé le stade de l'affaiblissement structurel pour entrer dans une phase de délabrement complet où les anciennes alliances se délitent tandis
que de nouvelles communautés d'intérêt émergent très rapidement.
Enfin, tout espoir de reprise économique mondiale significative et durable s'est dorénavant évanoui tandis que l'endettement du pilier occidental, en particulier des Etats-Unis, atteint un seuil
critique sans équivalent dans l'Histoire moderne.
Le
catalyseur de cette fusion explosive sera bien évidemment le système monétaire international, ou plutôt le chaos monétaire international qui s'est encore aggravé depuis la catastrophe qui a
frappé le Japon en Mars dernier et devant l'incapacité des Etats-Unis à faire face à l'exigence de réduction immédiate et significative de ses immenses déficits.
La fin du Quantitative Easing 2, symbole et facteur de la fusion explosive en préparation, représente la fin d'une époque, celle où le « Dollar US était la devise des Etats-Unis et le problème du
reste du monde » : à partir de Juillet 2011, le Dollar US devient ouvertement la principale menace pesant sur le reste du monde et le problème crucial des Etats-Unis.
L'été 2011 va confirmer que la
Réserve fédérale US a perdu son pari : l'économie US n'est en fait jamais sortie de la « Très Grande Dépression » où elle est entrée en 2008 malgré les milliers de milliards de Dollars injectés,
comme le sait d'ailleurs l'immense majorité des Américains. Sans pouvoir lancer un QE3 (même officieusement, via ses Primary Dealers, comme elle le faisait de facto avant que le monde ne
s'intéresse de trop près au marché des Bons du Trésor US), la Fed va donc contempler impuissante la remontée des taux d'intérêts, l'explosion du coût des déficits publics US, la plongée dans une
récession économique aggravée, l'effondrement du cours des bourses et un comportement erratique du Dollar US, évoluant à court terme en dents de scie, au gré des influences de ces différents
phénomènes, avant de lâcher brutalement 30% de sa valeur.
Parallèlement, Euroland, BRICS et producteurs de matières premières vont rapidement renforcer leurs coopérations tout en lançant une ultime tentative de sauvetage des institutions internationales
issues de Bretton Woods et du monde dominé par le tandem US/UK. Ce sera la dernière puisqu'il est illusoire d'imaginer Barack Obama, qui n'a montré aucune envergure internationale jusqu'à
présent, faire preuve d'une stature d'homme d'Etat et prendre donc des risques politiques majeurs à un an d'une élection présidentielle.
Barrières, protections, embargos à l'exportation, diversification des réserves, frénésie autour des matières premières, inflation en hausse générale, … le monde se prépare à un nouveau choc économique, social et géopolitique
La Chine
vient d'annoncer qu'elle interrompt toutes ses exportations de diesel pour tenter de stopper une hausse du prix du carburant qui a provoqué récemment une série de grèves des transporteurs
routiers. Que les pays asiatiques qui dépendaient de ces exportations chinoises se débrouillent, d'autant que le Japon a agi de même suite aux conséquences de la catastrophe de Mars dernier !
La Russie cesse également d'exporter certains produits pétroliers pour limiter les pénuries et hausses de prix internes, arrêt d'exportation qui s'ajoute à celui des céréales décrété il y a déjà
plusieurs mois.
Partout dans le monde arabe, l'instabilité continue à prévaloir sur fond de renchérissement des denrées de base, tandis que les interrogations sur l'ampleur des réserves et des capacités de
production de l'Arabie saoudite reviennent au premier plan.
Aux Etats-Unis, le moindre événement climatique sortant de l'ordinaire provoque aussitôt des risques de pénurie du fait de l'absence de « matelas » de sécurité du système d'approvisionnement US,
sauf à mettre à contribution les stocks stratégiques. Pendant ce temps, la population réduit ses dépenses alimentaires pour pouvoir remplir le réservoir de ses voitures avec un gallon à plus de 4
Dollars.
En Europe, la diminution de la couverture sociale et les mesures d'extrême-austérité mises en œuvre au Royaume-Uni, en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande,... font exploser le nombre de
pauvres.
L'Union européenne vient de renforcer plus ou
moins subrepticement son arsenal douanier pour résister aux importations venues d'Asie en particulier. D'une part, elle revoit tout son attirail de mesures de préférence douanière pour en
éliminer tous les pays émergents, Chine, Inde, Brésil en tête. D'autre part, elle a passé discrètement fin 2010 une mesure facilitant la mise en œuvre de mesures antidumping et de sauvegarde
puisque désormais une majorité simple suffira pour approuver une telle proposition de la Commission alors qu'il fallait auparavant une majorité qualifiée souvent difficile à rassembler .
Parallèlement, les banques centrales continuent à acheter de l'or, à annoncer plus ou moins clairement qu'elles diversifient leurs réserves tandis qu'elles prennent des mesures de plus en plus
incohérentes et dangereuses, en augmentant les taux pour contrer l'inflation dans un contexte d'économies fragiles ou en récession, afin de contrer l'afflux de liquidités généré par la politique
de la Réserve fédérale US. Pour paraphraser le titre de l'article d'Andy Xie, publié dans Caixin du 22/04/2011, « La montée de l'inflation rend fous les banquiers centraux ».
Et côté américain, on est en effet dans le surréalisme le plus complet : alors que le pays a atteint des niveaux d'endettement insupportables, les dirigeants de Washington ont fait de cette
thématique un enjeu électoraliste, comme l'illustre la question du plafond d'endettement fédéral qui sera atteint dès le 16 Mai. Les comparaisons abondent dans la presse américaine et financière
internationale avec les années Clinton où un problème du même type s'était posé sans grandes conséquences. Visiblement une partie importante des élites US et financières n'a toujours pas intégré
le fait que, à la différence des années 90, les Etats-Unis d'aujourd'hui sont vus comme l' « homme malade de la planète » dont chaque signe de faiblesse ou d'incohérence grave peut déclencher des
paniques incontrôlées.
Banquiers centraux en folie, leaders mondiaux sans feuille de route, économies en danger, inflation en hausse, devises en perdition, matières
premières frénétiques, endettement occidental incontrôlé, chômage au plus haut, sociétés stressées, … pas de doute, la fusion explosive de tous ces phénomènes sera bien l'évènement marquant du
second semestre 2011 !
Source : Communiqué public GEAB N°55 (15 mai 2011)