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Les Echos : Comprendre le QE européen et le programme d’achat des dettes publiques souveraines par la BCE

Publié par medisma sur 21 Janvier 2015, 22:10pm

I- La BCE devrait annoncer un programme d’achats de dette publique demain jeudi. Quels seront ses effets  ? La bataille contre la déflation peut-elle être gagnée en Europe ? Analyse.

Après des mois de tergiversations, de débats houleux, de contorsions intellectuelles et, surtout, après un an d’une bataille monétaire menée avec des armes trop modestes, la Banque centrale européenne (BCE) devrait se résoudre à adopter le QE. En annonçant jeudi 22 janvier ce dispositif destiné à lutter contre la menace de déflation, la BCE ouvrira une nouvelle page de son histoire, comme avant elle, la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Angleterre ou la Banque du Japon.

Taux directeurs à 0%

Le QE – abréviation de « quantitative easing » ou assouplissement quantitatif en français – est un outil de politique monétaire censé stimuler l’économie lorsque les taux directeurs sont proches de 0 %, c’est-à-dire quand l’arme des taux a atteint ses limites. « Une banque centrale dont le taux directeur a été abaissé jusqu’au plancher n’a pas épuisé toutes ses munitions. Seule ou avec l’appui du gouvernement, [elle] conserve un pouvoir considérable sur la demande et sur l’activité économique », expliquait Ben Bernanke, l’ancien patron de la Fed, dans un discours célèbre de 2002*, dans lequel il théorisait le QE.

La BCE, qui a échoué dans sa mission première qui consiste à garantir un taux d’inflation proche de 2 % à moyen terme, n’a jamais été pleinement convaincue des effets bénéfiques d’un tel outil. Elle ne l’est sans doute pas davantage aujourd’hui et pour cause : la littérature académique n’a pas réussi à prouver l’efficacité du dispositif. Seulement, il lui faut bien expérimenter un nouveau remède, même si la démarche relève en partie de la méthode Coué (c’est le métier d’une banque centrale de créer la confiance).

L’assouplissement quantitatif, comme son nom l’indique, a cela d’impressionnant qu’il se traduit par des interventions de grande ampleur. La BCE va normalement acheter des quantités énormes d’actifs financiers, raison pour laquelle elle devra cibler les emprunts émis par les Etats de la zone euro, marché le plus vaste sur lequel elle puisse intervenir. Plus elle en achètera, plus son bilan va grossir et plus elle aura injecté de liquidités, autrement dit créé de la monnaie. Il existe de multiples façons de le faire. La BCE le sait, qui en a déjà testé plusieurs (prêts aux banques, achat de crédits titrisés…). L’intérêt de l’assouplissement quantitatif réside dans sa puissance de frappe et dans son impact sur l’économie réelle. Or c’est là que surgissent les doutes : les Etats-Unis et la zone euro ne sont pas superposables. Les mécanismes de transmission du QE à l’économie diffèrent donc sensiblement.

Effet sur les portefeuilles financiers et l’euro

En principe, l’un des effets les plus bénéfiques du QE tient au phénomène de réallocation des portefeuilles. Lorsque la banque centrale achète massivement des emprunts d’Etat, elle réduit considérablement l’offre de titres en circulation – elle acquiert parfois plus de dette que les Etats n’en émettent – et tire ainsi leur prix vers le haut (inversement, les taux ou rendements de ces obligations chutent). Les investisseurs ont donc tendance à se reporter sur d’autres actifs financiers, qui offrent des rémunérations plus attrayantes, comme les obligations émises par les entreprises ou les actions. Problème : l’économie européenne est moins sensible à la hausse des prix des actifs financiers que les Etats-Unis. Le patrimoine des ménages est en effet nettement moins constitué d’actions et ceux-ci n’en tirent pas d’effet de richesse. Quant aux entreprises, elles se financent en grande partie – c’est particulièrement vrai pour les PME – auprès des banques et non sur les marchés financiers. Elles ne profitent donc pas de la baisse des taux et ne bénéficient pas d’un meilleur accès au crédit. D’ailleurs, la faiblesse du crédit dans la zone euro dépend pour beaucoup de la demande, qui reste atone, faute de confiance dans les perspectives économiques.

Le canal de transmission le plus efficace pour la zone euro est sans doute alors lié à l’« effet devise », qui stimule les exportations. Les injections de liquidités (la création d’euros) entraînent une dépréciation de la monnaie unique, qui est d’ailleurs à l’œuvre depuis que la BCE caresse l’idée d’un QE. En achetant des emprunts d’Etat de la zone euro, l’institut monétaire espère aussi rediriger les capitaux hors de la zone euro, vers des emprunts libellés dans d’autres devises, qui rémunèrent davantage que les dettes allemandes, françaises, etc. Un phénomène qui accentue la pression à la baisse sur l’euro. Il faut toutefois garder en tête que le recul de la monnaie unique n’est pas uniquement dû au QE, mais aussi en grande partie au rebond du dollar. Autre bémol : le fléchissement de l’euro ne stimule pas vraiment la demande intérieure.

Politique économique et budgétaire de la zone euro

Ce qui cristallise sans doute le plus les interrogations sur le QE à l’européenne, c’est que la BCE agit seule. En dépit du plan Juncker, la politique monétaire n’est pas accompagnée de politiques budgétaire et économique stimulantes. La zone euro est loin d’avoir décoché ses « trois flèches » sur le modèle du Japon de Shinzo Abe. Or, les spécialistes, de Ben Bernanke à Mario Draghi – le président de la BCE a fait un discours très remarqué à Jackson Hole en août –, recommandent tous d’agir sur les différents leviers : investissements, réformes favorables à la croissance, politiques budgétaires expansives dans les pays qui ont des marges de manœuvre, etc. S’ils veulent vraiment en finir avec la menace déflationniste, les gouvernements de la zone euro doivent entendre cet appel… et surtout prendre conscience que la BCE abat sa toute dernière carte.

* « Deflation : making sure it doesn’t happen here », Ben Bernanke, 21 novembre 2002, devant le National Economists Club, à Washington.

 

II- QE, déflation...10 questions pour comprendre les annonces de la BCE

La Banque centrale européenne doit procéder demain jeudi 22 janvier à l’annonce d’un important programme d’achats de dette publique, et la mise en place, historique, de son premier « QE ». Dix questions pour tout comprendre.

1) C’est quoi le QE ?

Le QE, pour « quantitative easing » ou « assouplissement quantitatif » est un outil qui permet à une banque centrale de maintenir une politique monétaire accommodante (propre à stimuler l’économie) même lorsqu’elle a abaissé ses taux directeurs à près de 0 %. Le QE consiste pour l’institution à injecter massivement des liquidités dans les marchés en achetant de grandes quantités de titres, notamment des emprunts d’Etat. Par ce biais, la banque centrale évince les investisseurs, qui se reportent vers d’autres actifs financiers plus rémunérateurs comme les actions, ou obligations d’entreprises, dont le prix augmente en conséquence (les taux des obligations baissent). Les banques, elles, peuvent se reporter vers la distribution de crédit aux entreprises et aux ménages. Autre effet bénéfique : la création de monnaie fait baisser le cours de la devise, ce qui favorise les exportations. L’efficacité du QE dépend toutefois de l’environnement économique dans lequel il s’intègre.

2) Comment cela va-t-il se passer ?

>Combien ? Le programme pourrait porter sur 50 milliards par mois sur au moins un an, soit 600 milliards d’euros d’achats d’actifs. Il doit être suffisamment important pour permettre d’augmenter le bilan de la BCE de 1.000 milliards d’euros, en tenant compte des mesures lancées depuis septembre.

>Qui ? On s’oriente vers un rachat en direct par chaque banque centrale nationale. Avantage : cela ferait porter le risque par les Etats nationaux et non par la BCE elle-même. Il s’agirait d’atténuer les inquiétudes de l’Allemagne, peu favorable à la mise en place d’un QE. Pour l’instant, rien n’est tranché.

>Quand ? Selon une source citée par Bloomberg, les achats de 50 milliards par mois ne débuteraient pas avant le 1er mars. La BCE s’était déjà donné du temps en juin dernier lors de l’annonce des premières mesures de rachat d’obligations sécurisées et de crédits titrisés.

>Quoi ? Essentiellement de la dette souveraine de la zone euro sur le marché secondaire. La question est de savoir si les dettes grecques et portugaises en seront exclues ou si la BCE achètera des actifs en fonction du poids de chaque pays dans la composition de son capital.

3) Qu'est-ce que cela va changer pour l’Europe ?

Le but du QE est évidemment de relancer l’économie européenne pour qu’elle ne reste pas scotchée à long terme sur une croissance et une inflation anémiques, autour de 1 %. La BCE met en avant son mandat pour stabiliser l’inflation autour de 2 %, mais le test du QE se coordonne avec une réorientation plus générale de la politique économique européenne. Autour de la relance de l’investissement, notamment avec le plan Juncker et d’une plus grande flexibilité accordée à la politique budgétaire en échange de la mise en œuvre de réformes structurelles. Au mieux, si chacun respecte sa feuille de route, la croissance reviendra. Si les Etats ne remplissent pas leur part du contrat, en réformant et en veillant à leurs dépenses publiques, le QE ne suffira pas à relancer la croissance. Enfin dans le scénario le pire, si certains Etats ne pouvaient plus rembourser leur dette, le QE aurait un effet redistributif, les pertes encaissées par la BCE devant être épongées par l’eurosystème. C’est pourquoi il est peu probable que la BCE inclue les titres grecs dans ses rachats d’actifs souverains.

4) La France va-t-elle en profiter ?

Comme d’autres Etats membres de la zone euro, la France tirera des bénéfices du probable rachat de dettes souveraines par la BCE. Mais l’Hexagone n’est pas en première ligne, et les bénéfices se sont déjà matérialisés. Selon la Banque de France, au troisième trimestre 2014, quand les marchés financiers ont anticipé la mise en place d’une telle mesure, les taux d’intérêt payés par les entreprises ont été « en nette diminution ». Ainsi, les taux pour les crédits de long terme sont passés en trois mois de 2,44 % à 2,28 % en moyenne. L’Etat est lui aussi gagnant : les taux français à 10 ans s’établissaient ce mercredi en dessous de 0,65 %, contre 1,7 % début juillet. Enfin, le recul de l’euro depuis l’été dernier, en partie induit par la perspective des rachats de dettes souveraines, favorise les exportateurs français. Ce n’est pas un hasard si le gouvernement milite depuis des mois en faveur d’une action de la BCE. Mais ce n’est toutefois pas le rachat de dettes souveraines qui tirera l’activité en 2015, les taux d’intérêt étant déjà très faibles, contrairement aux pays du sud de l’Europe.

5) Pourquoi l’Allemagne est-elle très réservée ?

Superflu, contre-productif et potentiellement dangereux. Les ­décideurs politiques et économiques allemands sont très réservés sur le programme d’achat de dette souveraine qui doit être annoncé par la Banque centrale européenne, même s’ils ne le contestent pas publiquement (sauf le président de la Bundesbank). Premièrement, Berlin estime le timing inapproprié, trois jours avant les élections ­grecques. Deuxièmement, le gouvernement ne partage pas le diagnostic alarmiste de la BCE, estimant quasi nul le risque de spirale déflationniste et tablant sur une reprise avec la chute des cours du pétrole, les taux déjà historiquement bas et l’effet des réformes engagées ici et là. ­Troisièmement, comme elle l’a souligné lundi, Angela Merkel redoute que cette mesure retire la pression sur les Etats de la zone euro – comme la France et l’Italie – pour mener des réformes structurelles qu’elle juge urgente. Enfin, il y un aspect culturel : les Allemands ne redoutent rien tant que l’inflation et une monnaie faible, qui est le but de QE.

6) Pourquoi la BCE a-t-elle attendu aussi longtemps ?

Il y a eu une différence d’interprétation de l’impact de la crise ­financière en Europe. Là où les Américains ont vu un choc puissant et persistant, les Européens ont cru à un choc cyclique. En 2011, ils ont donc privilégié les politiques d’austérité – là où les Anglo-Saxons ont poursuivi une politique monétaire très accommodante –, ce qui a conduit à une sortie très lente de la récession en Europe. L’économie dans la zone euro est d’ailleurs toujours extrêmement faible. Conscient de cette erreur, Mario Draghi, le président de la BCE, a prévenu dès l’été dernier qu’il était prêt à intervenir de façon beaucoup plus massive, car les perspectives d’inflation à moyen terme commençaient à décrocher. Mais il a d’abord voulu tester certains instruments (rachat de crédits titrisés, d’obligations bancaires, prêts ciblés envers les banques). Et il lui a fallu également prendre le temps de combattre l’hostilité de l’Allemagne et, au sein de la BCE, du gouverneur de la Bundesbank, qui voient dans l’assouplissement de la politique monétaire un ­financement indu des déficits des Etats.

7) Comment le QE peut-il lutter contre la déflation ?

Avec une croissance très faible dans la zone euro et une inflation très basse (l’indice des prix à la consommation est tombé à -0,2 % en décembre), le risque de déflation est devenu réel. Et ce alors que la chute du prix du baril de pétrole comme des matières premières ajoute aux pressions déflationnistes. La demande privée, qu’il s’agisse des consommateurs ou des investisseurs, est elle aussi très médiocre si bien qu’il n'y a pas de pression sur les prix. L’un des objectifs du QE est de faire baisser l’euro. En mettant beaucoup de liquidités sur le marché, la valeur de la devise se dévalue. Cela doit permettre d’augmenter la compétitivité de l’industrie européenne et aider à ses exportations. L’autre objectif de la banque centrale, en achetant des actifs souverains, est de pousser les investisseurs à aller vers des actifs plus risqués, de libérer et d’assouplir les conditions de crédit. Tout cela doit aider au financement de l’économie qui en reprenant de la vigueur renouera avec les pressions inflationnistes.

8) Le QE : facteur de cohésion ou de division ?

En utilisant pour la première fois un outil que manient déjà les banques centrales, la BCE franchit une étape énorme vers l’intégration de la zone euro. « La BCE devient comme toutes les grandes banques centrales du monde, c’est une étape historique, la fin d’un tabou », se réjouissent le groupe des Sociaux démocrates au Parlement européen. Après la création du Mécanisme européen de stabilité, puis la mise sur pied de l’union bancaire, le QE unit encore davantage l’eurozone. Dans l’immédiat toutefois, il va aviver les tensions entre les 19 Etats de la zone euro, notamment avec l’Allemagne, qui s’oppose à ce qu’elle considère comme un nouveau pas vers la mutualisation des dettes des Etats, que le Traité interdit. Aussi l’Allemagne risque de se montrer extrêmement rigide dans les semaines à venir, tant dans le débat sur la réduction de la dette grecque, que sur les questions du respect des règles budgétaires (le pacte de stabilité). Il est probable qu’elle plaide pour un nouveau régime de sanctions afin d’exiger un suivi plus strict par Bruxelles des réformes structurelles promises par les Etats.

9) Ca va changer quoi sur les marchés ?

Un constat d’abord : les marchés ont en partie anticipé l’annonce du QE. Les rendements des obligations d’Etat sont à des niveaux historiquement bas et les actions européennes sont proches de leur plus haut depuis 2008. Il n’est donc pas impossible que dans un premier temps la réaction soit négative, selon l’adage : « On achète la rumeur, on vend la nouvelle ». D’autant qu’il y a un risque de déception quant aux annonces. Pour autant, à moyen terme, l’arrivée massive de liquidités sur les marchés financiers devrait avoir un impact positif, notamment sur les actifs risqués, comme les actions. La politique de taux zéro de la BCE incite en effet les investisseurs à partir en quête de rendement. Or le rendement moyen des actions de la zone euro – via l’indice Euro Stoxx – atteint 3,5 % fin 2014. La baisse de l’euro, qui découle de ce plan, est aussi une bonne nouvelle pour les bénéfices des entreprises de la zone. Enfin, pour les emprunts d’Etat, l’arrivée d’un acteur de poids telle la BCE pourrait déséquilibrer l’offre et la demande, faisant monter le prix des obligations.

10) L’euro peut-il encore baisser ?

Unanimes, les marchés anticipent un euro faible et de manière durable. Ils fondent notamment leurs anticipations sur le fait que tous les programmes d’assouplissement quantitatif ou QE menés auparavant dans les autres pays (Etats-Unis, Japon...) ont fait baisser leur monnaie de manière très notable. Ainsi, les deux premiers QE aux Etats-Unis ont-ils fait reculer le dollar de 3,6 % à 10,8 %, selon les parités. Le QE de la Banque centrale européenne (BCE), s’il est mis en œuvre, devrait être conforme à ces observations. Tout autant que la poursuite du repli de l’euro, c’est la généralisation de sa baisse qui importe pour la compétitivité des entreprises. Or, depuis début septembre, la monnaie unique a perdu 12 % par rapport au billet vert, mais son taux de change par rapport à ses principaux partenaires commerciaux n’a cédé « que » 6 %. 

 

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