STEFAN ZWEIG, HISTOIRE D’UN EUROPÉEN
Le 22 février 1942, après avoir écrit à leurs proches et aux autorités locales de Petrópolis, au Brésil, où ils se sont exilés, Stefan Zweig et sa femme Lotte consomment assez de barbituriques pour ne plus se réveiller.
Le message d'adieu rédigé par stefan est le suivant :
"Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux."
Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-42
Le lendemain, Stefan Zweig n'était plus. Sa femme l'avait suivi dans la mort.
Malgré le fracas de la Seconde Guerre mondiale, le suicide de l'écrivain autrichien, dont les livres ont été brûlés quatre ans plus tôt, à Salzbourg, suscite une immense émotion. Le Brésil lui organisera des funérailles nationales. Pourquoi le romancier, nouvelliste et biographe de génie, qui a connu un succès phénoménal de son vivant, a-t-il cédé à l'appel du vide ? Pour démêler le jeu des forces obscures qui ont emporté sa vie, François Busnel et Jean-Pierre Devillers égrènent les étapes d'un parcours marqué par la recherche constante de la liberté. Ses premiers succès, qui le rendent célèbre à 30 ans, son enthousiasme pour Freud, son goût du voyage et sa passion pour le progrès technique, annonciateur, croit-il, d'une humanité meilleure... : autant d’éléments biographiques qui éclairent une personnalité complexe. Mais par-dessus tout, l'auteur d'Amok ou du Joueur d'échecs a le culte de l'amitié et exprime une foi profonde en une Europe moderne et cosmopolite.
Archéologue des passions amoureuses
Deux croyances cruellement déçues : l'Europe se déchire dès 1933 et certains des proches de l'écrivain – comme beaucoup de ses lecteurs – critiquent sa réticence à prendre publiquement parti contre les régimes nazi et soviétique. Mais si Zweig peine à s'engager, c'est qu'il préfère dans ses livres se faire l'archéologue des passions amoureuses. Meurtri, devenu en tant qu'écrivain progressiste et juif un paria en Autriche, il s'exile et ne se relèvera pas de ses désillusions. "La terreur que m'inspire l'époque croît jusqu'à la démesure", écrit-il peu avant d'en finir. Une relecture passionnante d'une existence aussi tourmentée que son temps, et des œuvres qu'elle a brillamment produites.
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