Le mouvement de protestation populaire qui en est à son dixième vendredi en Algérie continue et évolue en dépit des manipulations et des parasitages.
Pour la première fois, une partie non négligeable de l’opinion publique algérienne désigne les véritables coupables derrière l’effondrement du pays : les janviéristes ou la clique des généraux et responsables corrompus ayant pris le pouvoir par la force en 1991 avant de déclencher une guerre civile sanglante qui durera un peu plus d’une décennie.
A ce titre, c’est le général-major Mediene alias Toufik et ses réseaux qui sont désignés à la vindicte populaire, d’autant plus qu’ils continuent à être actifs au sein d’une société perdue afin d’abattre l’état-major de l’Armée dont le chef leur a déclaré une guerre sans merci, mais limitée pour des raisons liées aux rapports de force existant entre les puissances étrangères ayant une certaine influence en Algérie.
La liste des oligarques liés à l’ex-DRS (Direction du Renseignement et de la Sécurité, dénomination officielle des services secrets jusqu’en 2015) est loin d’être close : les ex-premiers ministres Ouyahia et Sellal, deux apparatchiks qui doivent leur ascension au DRS et qui ont renforcé la corruption, ne sont pas encore inquiétés. Si Ouyahia s’est protégé par une batterie de mesures réglementaires taillées sur mesure, le cas Sellal est encore plus problématique : parent de deux des principaux chefs des services spéciaux encore en
le général-major Mediene alias Toufik
activité, et disposant d’un passeport britannique, il semble hors de portée des mains de la justice.
Les déboires des clans ayant pris le pouvoir par la force en 1991 n’en finissent plus : les seconds couteaux ou prêtes-noms qui agissaient en public dans la sphère économique comme les Rabrab et compagnie sont ciblés.
Les autres oligarques qui se sont enrichis depuis 2000 le sont aussi mais à des degrés divers. Si Haddad et les frères Kouninefs sont en prison, le général-major Chentouf, ex-chef de la 1ere Région militaire est en fuite où il tente d’organiser une rébellion armée avec l’appui de Toufik, Sellal et les anciens réseaux qui émaillent tous les partis politiques algériens.
Cependant, ces réseaux clientélistes ne peuvent s’opposer ni à un état-major disposant d’une formidable puissance de feu et encore moins à une partie de la population qui les attend au tournant depuis presque trois décennies et qui n’a pas oublié les affres de la guerre civile. Une image qui ne trompe pas : lors de l’enterrement de Abassi Madani, hier à Alger, l’un des co-fondateurs emblématiques de l’ex-FIS (Front Islamique du Salut, dissous), les sympathisants de ce mouvement ont non seulement démontré qu’ils n’ont rien oublié mais qu’ils constituent encore l’une des principales sinon la principale force politique réelle dans un pays ayant sombré en plein naufrage néolibéral.