Pourquoi les marchés financiers paniquent?
Et la Bourse de faire le yo-yo au point qu’on parle d’un krach imminent ?
La chute des cours la semaine écoulée fait suite à l'inquiétude des investisseurs sur l'ampleur de la dette de certains pays qui, pour renflouer les banques, se sont financés sur les marchés des obligations. Explications.
Qu’est-ce qu’un krach ?
Les investisseurs ont peur. Peur du surendettement américain et
européen. Peur que les Etats ne puissent plus assumer leur propre train de vie au point de faire faillite, comme c’eut été le cas de la Grèce si elle n’avait pas récemment été sauvée par l’UE et
le FMI. Du coup, ils récupèrent leurs billes pour ne pas être ruinés. Mais plus les investisseurs se retirent, moins le titre dans lequel ils avaient investi vaut de l’argent. C’est la loi de
l’offre et la demande.
On parle de krach, lorsque la baisse atteint 10%, en une seule journée ou 20% sur plusieurs séances. Mercredi, on est ainsi passé à deux doigts du krach bancaire. Les marchés bruissaient de la rumeur selon laquelle Paris n’arriverait pas à rembourser sa dette publique ; des emprunts dont sont remplies les caves des banques françaises. Résultat : l'action de la Société générale s’est écroulée de 20% en une seule après-midi.
Pourquoi la baisse est contagieuse?
Outre le manque de confiance des marchés
face à un Etat qui paraît fragilisé par son endettement, il existe les fonds spéculatifs qui n'arrangent rien à l'affaire. Ces fonds, principalement américains, parient sur l'insolvabilité
potentielle des pays pour se faire de l'argent. Cette ruée cynique sur les plus faibles amplifie l'effet de domino.
La semaine dernière, lorsque l’action de la Société générale s’est écroulée, face aux rumeurs concernant l’insolvabilité potentielle de l’Etat français, les investisseurs se sont rués sur les contrats d’assurance qui couvrent les emprunts de l’Etat et qu’on appelle CDS. Par effet de ricochet, ces CDS se sont donc envolés de 32% depuis le début du mois.
Qu'est-ce qu'une obligation ?
- L'obligation est le contrat qui définit les modalités de remboursement (taux d'intérêt et échéance) d'un emprunt. Ce titre est donné au prêteur qui peut le revendre sur le marché obligataire. C'est un placement supposé moins risqué qu'une action.
Pourquoi la dette souveraine est-elle notée ?
- La dette souveraine est l’ensemble des emprunts réalisés par un Etat : les crédits bancaires, les emprunts à d’autres Etats, et les titres émis par le Trésor public.
Ces derniers peuvent être échangés sur le marché des obligations. Leur valeur est alors soumise à la loi de l'offre et de la demande, la majorité des acheteurs et des vendeurs se basant, pour déterminer le juste prix, sur la capacité des Etats à rembourser. Cette information est donnée par la note de la dette de l'Etat.
Quels sont les Etats les plus endettés ?
- Parmi les états les plus endettés du monde,
on trouve le Japon (229% du Produit intérieur brut), la Grèce (152%), la Jamaïque (137%), le Liban (134%), l'Italie (120%), l'Irlande (114%), l'Islande (103%), et les Etats-Unis
(100%).
La dette de la France représente 88% de son PIB.
Qui sont les pays les mieux notés ?
- Les acteurs financiers suivent les indications des trois grandes agences de notation que sont Standard and Poor's, Moody's et Fitch.
Les pays qui disposent de la meilleure note chez les trois agences sont : l’Allemagne, l’Autriche, la France, le Canada, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède et la Suisse.
L'Australie a la note de AA+ chez Fitch et la meilleure note chez les deux autres agences.
Le Japon, l'Irlande et l'Espagne ont perdu leur triple A chez l'ensemble des agences de notation.
La Grèce est le pays le moins bien noté, avec la note CC chez Standard and Poor's, derrière la Jamaïque, Grenade, Bélize, l'Equateur et le Pakistan (B-).
Pourquoi y a-t-il une crise ?
- Pour sauver les banques, les Etats leur ont prêté une grande quantité d'argent. Ils ont dû emprunter en masse, émettant ainsi de nombreuses obligations sur les marchés.
En raison de la situation économique, peu encourageante, les obligations de dette de certains pays (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie) se sont retrouvés trop nombreuses et peu désirées, ce qui a fait chuter leur cours.
Or, le taux d'intérêt de l'emprunt augmente lorsque la valeur de l'obligation diminue. Les pays dont les obligations sont les moins désirées, celles qui ont les moins bonnes notes, ont vu les taux d'intérêts de leurs emprunts augmenter.
Emprunter leur coûte plus cher, alors que ces pays ont d'autant plus besoin de liquidités pour relancer la croissance de leur économie, financer les mesures sociales, et réduire leur déficit pour, à terme, réduire leur dette.
Que signifie restructurer la dette ?
- Lorsqu'un pays est sur le point d'être en
défaut de paiement, il peut être préférable de restructurer sa dette, pour qu'il puisse s'en acquitter d'une partie plutôt que rien du tout. Le pays rachète alors sa dette à l’aide d’un nouvel
emprunt avec des conditions plus avantageuses : un délai de remboursement - on parle alors de rééchelonnement - ou des taux d’intérêts plus bas.
Qu'est-ce qu'un défaut de paiement ?
- Lorsqu’un pays n’honore pas un ou plusieurs emprunts, on dit qu'il est en défaut de paiement. S’il s’agit de restructurer la dette, comme en Grèce, on parle de défaut partiel.
Comment la BCE tente d'aider les pays dont la dette souveraine pose problème ?
- La Banque centrale européenne a relancé son programme de rachat d'obligations qu'elle avait déjà activé pour la Grèce, le Portugal et l'Irlande en mai 2010. Elle avait alors racheté pour près de 70 milliards d'euros. Cette fois, ce sont les dettes de l'Italie et de l'Espagne qui sont dans le collimateur des marchés.
En achetant des obligations sur les marchés, elle espère faire remonter leur prix et ainsi faire baisser les taux d'intérêts des emprunts italiens et espagnols. Cette action vise un effet d'entraînement psychologique des investisseurs car, compte tenu des volumes concernés, la BCE ne dispose pas du mandat politique pour injecter les sommes d'argent permettant une remontée mécanique des cours, les dettes espagnoles et italiennes étant bien plus importantes que les dettes grecques ou portugaises.
Pourquoi la BCE intervient si tard ?
- Selon l'économiste Anton Brender, les Etats interviennent trop peu et trop tard. La BCE joue les pompiers. Son intervention est freinée par certains pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Finlande, dont les finances publiques ont été rétablies au prix d'une grande rigueur, et qui refusent de payer pour leurs voisins plus laxistes. Ces pays réclament la mise en place de mesures d'austérité de la part des pays aidés. Ils ont toutefois intérêt à leur venir en aide car ce sont leurs partenaires commerciaux.
L'intervention de la BCE pose une nouvelle fois la question de l'avenir politique de l'Europe. La mutualisation des risques liés à la dette pourrait se faire via l'émission d'obligations européennes (on parle d'"eurobligations" ou en anglais d'"eurobonds"). Mais leur création est conditionnée à la convergence des politiques budgétaires européennes, qui suppose la mise en place d'un gouvernement économique à l'échelle européenne.
Sur quoi se basent les agences de notation ?
- Moody’s, Standard and Poor’s et Fitch ratings évaluent la capacité des entreprises - mais aussi des régions, des villes, de certaines administrations – et des Etats à rembourser leur dette. Pour noter la dette d'un pays, les agences se basent sur ses fondamentaux économiques.
Elles intègrent également des éléments politiques. Ainsi, Standard and Poor's, qui a dégradé pour la première fois la note des Etats-Unis, a sanctionné l'incapacité du gouvernement américain à prendre les mesures nécessaires au rétablissement de ses finances publiques. Barack Obama affirme que les Etats-Unis mériteront toujours un triple A, mais avec des dépenses trop grandes par rapport aux recettes, le déficit se creuse chaque année, alourdissant la dette, qui croît plus rapidement que le Produit intérieur brut. Dans ces conditions, le risque que les Etats-Unis ne remboursent par leurs emprunts est un peu moins faible qu'auparavant.
Les agences se basent également sur des élements conjoncturels, comme l'attitude des marchés vis-à-vis d'un pays. Ainsi, elles ont intégré dans leur notation les difficultés qu'a la Grèce à se financer sur les marchés, puisque l'augmentation des taux d'intérêts la pénalise.
Pourquoi accuse-t-on les agences d'être des pompiers pyromanes ?
- La dégradation de la note d’un pays augmente mécaniquement les taux d’intérêts de ses emprunts sur les marchés financiers. Plus ces taux sont hauts, plus rembourser la dette coûte cher...et plus la note risque d'être dégradée.
Ainsi, en cas de crise dans un pays, le système de notation prend la forme d'une spirale infernale où les notes sont des "prophéties autoréalisatrices". Les agences sont alors accusées d'être des "pompiers pyromanes".
Lorsque l'économie d'un pays se porte bien, l'effet inverse se produit. La note positive fait baisser les taux d'intérêts, ce qui permet aux pays de se financer à moindre coût. On a également reproché aux agences de surnoter certains pays, comme les Etats-Unis qui, malgré l'ampleur de leur dette, sont très bien notés.
Les agences de notation sont-elles crédibles ?
L'indépendance de Moody's, Standard and Poor's et Fitch est souvent mise en doute en ce qui concerne les notes décernées dans le secteur privé, car elles tirent la grande majorité de leur revenus des banques qu'elles notent.
De nombreux économistes, qui estiment que les acteurs financiers accordent trop d'importance aux notes des pays, rappellent souvent que ce ne sont que des informations parmi d'autres. C'est cet argument que les agences de notation ont elles-mêmes employé pour se déresponsabiliser après la crise de 2007, alors qu'elles avaient largement surévalué les subprimes, dont la dépréciation a emporté l'économie mondiale.
Cependant à l'heure actuelle il n'existe pas d'alternative aux agences de notation, qui tentent malgré certaines erreurs de prendre une photographie dynamique de la situation d'un pays ou d'une entreprise.
Vers une agence de notation publique européenne ?
- Concernant la notation des dettes souveraines, la création d'une agence européenne publique est en cours de réflexion à Bruxelles. Se pose alors la question de son indépendance vis-à-vis des administrations qu'elle va noter.
C'est le problème que rencontre l'agence chinoise Dagong, qui note certaines dettes souveraines depuis 2010, et dont l'objectivité de l'agence n'est pas encore établie, car elle attribue une moins bonne note aux pays européens et aux Etats-Unis que ses concurentes, mais une note supérieure à la Chine.
Pour éviter que la question de l'indépendance ne se déplace dans le secteur publique, certains élus, comme l'eurodéputé Vert Pascal Canfin, imaginent la création d'un système d'appels d'offres publique destiné aux agences privées, ce qui permettrait de rompre le lien commercial entre les agences et les institutions notées, tout en évitant les éventuelles pressions de l'administration.
(D. Hebert-Nouvel obs-lintegral)
Quant aux ménages, c’est la ruée vers l’or
La panique sur les marchés fait craindre un krach boursier. Et les ménages de se ruer vers l'or, valeur refuge par excellence. Comme l’assure ces spécialistes-joaillers (voir vidéo), une telle situation est sans précédent. Ils s’attendent plutôt à une très forte augmentation du prix du lingot qui, selon eux, pourrait atteindre 80.000 dollars dans les deux années à venir.