Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

le blog lintegral

actualités, économie et finance, nouvelle technologie, entrepreneuriat, histoire et colonisation...


Sexe et mensonges : la vie sexuelle au Maroc

Publié par medisma sur 31 Mars 2018, 21:12pm

Sexe et mensonges : la vie sexuelle au Maroc

Livre de Leïla Slimani

Leila Slimani

Dans Sexe et mensonges - La vie sexuelle au Maroc, un livre de témoignages, la romancière franco-marocaine dénonce l'hypocrisie et “la culture institutionnalisée du mensonge” de la société marocaine où “l'honneur passe avant tout”

c’est la parole, forte et sincère, d’une jeunesse marocaine bâillonnée dans un monde arabe où le sexe se consomme pourtant comme une marchandise.Les femmes que Leila Slimani a rencontrées lui ont confié sans fard ni tabou leur vie sexuelle, entre soumission et transgression. Car au Maroc, la loi punit et proscrit toute forme de relations sexuelles hors mariage, tout comme l’homosexualité et la prostitution.Dans cette société fondée sur l’hypocrisie, la jeune fille et la femme n’ont qu’une alternative : vierge ou épouse.SEXE ET MENSONGES est une confrontation essentielle avec les démons intimes du Maroc et un appel vibrant à la liberté universelle d’être, d’aimer et de désirer. LEILA SLIMANI est l’auteure de deux romans plébiscités par la critique et les lecteurs : Dans le jardin de l’ogre, traduit dans une dizaine de langues et Chanson douce, chez Gallimard, prix Goncourt 2016, immense succès traduit dans une trentaine de langues. 

 

 SEXE ET MENSONGES   

 

 

Chapitre 1

SEXE ET MENSONGES, c’est la parole, forte et sincère, d’une jeunesse marocaine bâillonnée dans un monde arabe où le sexe se consomme pourtant comme une marchandise.Les femmes que Leila Slimani a rencontrées lui ont confié sans fard ni tabou leur vie sexuelle, entre soumission et transgression. Car au Maroc, la loi punit et proscrit toute forme de relations sexuelles hors mariage, tout comme l’homosexualité et la prostitution.Dans cette société fondée sur l’hypocrisie, la jeune fille et la femme n’ont qu’une alternative : vierge ou épouse.SEXE ET MENSONGES est une confrontation essentielle avec les démons intimes du Maroc et un appel vibrant à la liberté universelle d’être, d’aimer et de désirer.LEILA SLIMANI est l’auteure de deux romans plébiscités par la critique et les lecteurs : Dans le jardin de l’ogre, traduit dans une dizaine de langues et Chanson douce, chez Gallimard, prix Goncourt 2016, immense succès traduit dans une trentaine de langues. 

Lorsque j’ai publié mon premier roman, Dans le jardin de l’ogre (Gallimard), à l’été 2014, certains journalistes français se sont étonnés qu’une Marocaine puisse écrire un tel livre. Ils entendaient par là « un livre libre et sexuel », un livre trash et cru, qui raconte l’histoire d’une femme souffrant d’addiction au sexe. Comme si, culturellement, j’aurais dû être plus pudique, plus réservée. Comme si j’aurais dû me contenter d’écrire un livre érotique aux accents orientalistes, en digne descendante de Shéhérazade.

                                   Pourtant, il me semble que les Maghrébins sont très bien placés pour aborder des thématiques liées à la douleur sexuelle, à la frustration ou à l’aliénation. Le fait de vivre ou d’avoir grandi dans des sociétés où la liberté sexuelle n’existe pas fait du sexe un objet d’obsession permanente. La sexualité est d’ailleurs une problématique très présente dans la création littéraire contemporaine. On la retrouve chez Mohamed Choukri, Tahar Ben Jelloun, Mohamed Leftah, Abdellah Taïa. La littérature érotique, sulfureuse même, continue de se réinventer notamment chez des femmes comme la Libanaise Joumana Haddad, la mystérieuse Nedjma ou bien la Syrienne Salwa Al Neimi, dont le livre, La Preuve par le miel, a été un succès de librairies.

                                   Mon premier roman n’a donc rien d’une exception.  Et je crois même pouvoir dire que ce n’est pas un hasard si j’ai construit un personnage comme Adèle : une femme frustrée, qui ment, qui mène une double vie. Une femme rongée par les remords et par sa propre hypocrisie. Une femme qui contourne les interdits et qui ne jouit pas. Adèle est, d’une certaine façon, une métaphore un peu extrême de la sexualité des jeunes femmes marocaines.

                                      À l’occasion de la sortie de mon roman, j’ai tenu à faire une tournée au Maroc et à présenter mon livre dans différentes villes du royaume. Je me suis rendue dans des librairies, dans des facultés, dans des médiathèques. J’ai été invitée par des associations et des groupes de parole. Ces deux semaines de tournée ont été une véritable révélation. J’étais loin de me douter de la soif de débat chez ceux que j’allais rencontrer. À chacune de mes interventions, j’ai pu constater à quel point une rencontre autour de la sexualité passionnait le public et en particulier les jeunes. À l’issue des rencontres, de très nombreuses femmes sont venues vers moi avec le désir  de parler, de me raconter leur histoire. Le roman a ceci de magique qu’il institue un rapport très intime entre l’écrivain et son lecteur et qu’il fait tomber les barrières de la pudeur ou de la méfiance. Avec elles, j’ai passé des heures extraordinaires. Cette parole-là, j’ai voulu la restituer, comme le témoignage poignant d’une époque et d’une souffrance.

                                   Mon but ici n’est pas d’écrire une étude sociologique ni de faire un essai sur la sexualité au Maroc. D’éminents sociologues, d’excellents journalistes font ce travail ô combien difficile. Ce que je voulais, c’était livrer cette parole brute. Cette parole vibrante et intense, ces histoires qui m’ont bouleversée, émue, qui m’ont mise en colère et parfois révoltée. J’ai eu envie de donner à entendre ces tranches de vie, souvent douloureuses, dans une société où beaucoup d’hommes et de femmes préfèrent détourner les yeux. En me racontant leur vie, en acceptant de briser des tabous, toutes ces femmes m’ont en tout cas signifié une chose : leur vie a de l’importance. Elles comptent et doivent compter. À travers leurs confidences, elles ont voulu sortir, pour quelques heures au moins, de leur isolement et inviter les autres femmes à prendre conscience du fait qu’elles ne sont pas seules. C’est en cela que cette parole est politique, engagée, émancipatrice. À l’époque de ces rencontres, je pensais souvent à cette phrase de Fatima Mernissi (Rêves de femmes : Une enfance au harem) à propos du personnage de Shéhérazade – personnage magnifique mais parfois bien pesant pour les femmes musulmanes : « Elle aiderait le sultan à voir que sa haine obsessionnelle des femmes était une prison. Elle guérirait l’âme troublée du roi en lui racontant les malheurs d’autrui. » Pour la sociologue marocaine, si Shéhérazade est un personnage si extraordinaire, ça n’est pas parce qu’elle incarnerait la femme orientale séductrice et lascive mais, bien au contraire, parce qu’elle reprend ses droits sur le récit, qu’elle n’est plus seulement objet mais sujet de l’histoire. Les femmes doivent retrouver le moyen de peser sur une culture qui est l’otage des religieux et du patriarcat. En prenant la parole, en se racontant, elles usent d’une des armes les plus puissantes contre la haine et l’hypocrisie généralisée. Les mots.

                                    

                                   Manifestation contre les violences sexuelles faites aux femmes à Casablanca, au Maroc, le 23 août 2017. (Crédit : STRINGER/AFP)

            Il faut mesurer à quel point les femmes qui témoignent dans ce livre sont courageuses et à quel point il est difficile, dans un pays comme le Maroc, de sortir du cadre, d’adopter un comportement considéré comme marginal. La société marocaine est tout entière basée sur la notion de dépendance au groupe. Et le groupe est perçu par l’individu à la fois comme une fatalité, dont il ne peut se départir, et comme une chance, puisqu’il peut toujours compter sur une forme de solidarité grégaire. La relation au groupe est donc profondément ambiguë. Autre pilier de la société marocaine : le concept de h’chouma, que l’on peut traduire par la « honte » ou la « gêne » et qui est inculqué à chacun dès la petite enfance. Être bien élevé, être un enfant obéissant, être un bon citoyen, c’est aussi avoir honte, faire preuve de pudeur et de retenue. « L’ordre et l’harmonie n’existent que lorsque chaque groupe respecte les hudud [les frontières sacrées]. Toute transgression entraîne forcément anarchie et malheur », écrivait Fatima Mernissi dans Rêves de femmes. Le coût de la transgression est très élevé et celui qui est coupable d’avoir traversé les « frontières sacrées » est puni en conséquence et sévèrement rejeté. Les femmes qui m’ont parlé vivent ce que vivent la plupart des Marocains : un combat intérieur très dur, déchirant, entre la volonté de se libérer de la tyrannie du groupe et la crainte que cette liberté n’entraîne l’effondrement de toutes les structures traditionnelles sur lesquelles leur monde est construit. Toutes, vous le verrez, font parfois preuve d’ambiguïtés, elles se contredisent, s’émancipent puis baissent la tête. Elles tentent de survivre.

             En écoutant ces femmes, j’ai eu envie de donner à entendre la réalité de ce pays, qui est bien plus complexe, bien plus douloureuse qu’on ne voudrait nous le faire croire. Car, si l’on s’en tient à la loi telle qu’elle existe et à la morale telle qu’elle est transmise, il faudrait considérer que tous les célibataires du Maroc sont vierges. Que tous les jeunes gens et toutes les jeunes femmes, qui représentent plus de la moitié de la population, n’ont jamais eu de relations sexuelles. Les concubins, les homosexuel(le)s, les prostitué(e)s, tous ces gens n’existeraient donc pas. Si l’on écoute les plus conservateurs, soucieux de défendre une identité marocaine qui tient du mythe plus que de la réalité, le Maroc est un pays sage et vertueux qui doit se protéger de la décadence occidentale et du libéralisme de ses élites. Au Maroc, l’interdiction de la « fornication », ou zina, n’est pas seulement une injonction morale. L’article 490 du Code pénal prévoit « l’emprisonnement d’un mois à un an [pour] toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». Selon l’article 489, toute « conduite tendancieuse ou contre nature entre deux personnes du même sexe est punie de six mois à trois ans de prison ». Dans un pays où l’avortement est illégal sauf en cas de viol, de malformations graves ou d’inceste et où « toute personne mariée convaincue d’adultère » risque un à deux ans de prison (article 491 du Code pénal) se jouent chaque jour des situations dramatiques. On ne les voit pas, on ne les entend pas et pourtant des tragédies intimes rongent les citoyens qui ont pour certains le sentiment de vivre dans une société hypocrite, qui les juge et les rejette concept de h’chouma, que l’on peut traduire par la « honte » ou la « gêne » et qui est inculqué à chacun dès la petite enfance. Être bien élevé, être un enfant obéissant, être un bon citoyen, c’est aussi avoir honte, faire preuve de pudeur et de retenue. « L’ordre et l’harmonie n’existent que lorsque chaque groupe respecte les hudud [les frontières sacrées]. Toute transgression entraîne forcément anarchie et malheur », écrivait Fatima Mernissi dans Rêves de femmes. Le coût de la transgression est très élevé et celui qui est coupable d’avoir traversé les « frontières sacrées » est puni en conséquence et sévèrement rejeté. Les femmes qui m’ont parlé vivent ce que vivent la plupart des Marocains : un combat intérieur très dur, déchirant, entre la volonté de se libérer de la tyrannie du groupe et la crainte que cette liberté n’entraîne l’effondrement de toutes les structures traditionnelles sur lesquelles leur monde est construit. Toutes, vous le verrez, font parfois preuve d’ambiguïtés, elles se contredisent, s’émancipent puis baissent la tête. Elles tentent de survivre.

       En écoutant ces femmes, j’ai eu envie de donner à entendre la réalité de ce pays, qui est bien plus complexe, bien plus douloureuse qu’on ne voudrait nous le faire croire. Car, si l’on s’en tient à la loi telle qu’elle existe et à la morale telle qu’elle est transmise, il faudrait considérer que tous les célibataires du Maroc sont vierges. Que tous les jeunes gens et toutes les jeunes femmes, qui représentent plus de la moitié de la population, n’ont jamais eu de relations sexuelles. Les concubins, les homosexuel(le)s, les prostitué(e)s, tous ces gens n’existeraient donc pas. Si l’on écoute les plus conservateurs, soucieux de défendre une identité marocaine qui tient du mythe plus que de la réalité, le Maroc est un pays sage et vertueux qui doit se protéger de la décadence occidentale et du libéralisme de ses élites. Au Maroc, l’interdiction de la « fornication », ou zina, n’est pas seulement une injonction morale. L’article 490 du Code pénal prévoit « l’emprisonnement d’un mois à un an [pour] toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». Selon l’article 489, toute « conduite tendancieuse ou contre nature entre deux personnes du même sexe est punie de six mois à trois ans de prison ». Dans un pays où l’avortement est illégal sauf en cas de viol, de malformations graves ou d’inceste et où « toute personne mariée convaincue d’adultère » risque un à deux ans de prison (article 491 du Code pénal) se jouent chaque jour des situations dramatiques. On ne les voit pas, on ne les entend pas et pourtant des tragédies intimes rongent les citoyens qui ont pour certains le sentiment de vivre dans une société hypocrite, qui les juge et les rejette.

Évidemment, dans la réalité, personne n’ignore que les lois qui nous gouvernent sont bafouées tous les jours, toutes les heures, dans tous les milieux. Chacun le sait mais personne ne veut le voir et s’y confronter. La loi qui pénalise les relations sexuelles hors mariage n’est pas respectée, mais les autorités refusent absolument de l’admettre publiquement. Elles savent que des centaines d’avortements clandestins ont lieu chaque jour, mais la loi punissant l’IVG n’a été amendée qu’à la marge. Elles ne peuvent ignorer que les homosexuels vivent dans la peur et l’humiliation mais elles font comme si. Tous ceux qui détiennent l’autorité – gouvernants, parents, professeurs – tiennent le même discours : « Faites ce que vous voulez, mais faites-le en cachette. »

                                   Dans une société comme la nôtre, l’honneur passe avant tout. Ce n’est pas tant la vie sexuelle des gens que l’on juge mais la publicité qu’ils en font ou osent en faire. Mais cette injonction au silence n’est plus suffisante pour maintenir la paix sociale et permettre l’épanouissement de chacun. Notre société est rongée par le poison de l’hypocrisie et par une culture institutionnalisée du mensonge. Tout cela génère de la violence et de la confusion, de l’arbitraire et de l’intolérance. Les libéraux bon teint comme les conservateurs prônent le statu quo. Ils semblent s’entendre sur l’idée fallacieuse selon laquelle la société marocaine n’est pas prête à évoluer sur ces questions.

                                   Mais quand des femmes en minijupe sont jugées pour outrage à la pudeur, quand des homosexuels sont lynchés en pleine rue, il me paraît urgent de réfléchir au projet de société qui nous unit et qui permet d’éviter ce type de débordements. Le Maroc, comme les autres pays musulmans de la région, ne pourra pas se passer d’une telle réflexion. À une époque où le terrorisme islamique est de plus en plus violent, où la société marocaine est, comme d’autres sociétés musulmanes, profondément divisée sur les questions ayant trait aux mœurs, j’ai le sentiment que nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ces questions. Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer la réalité sous prétexte qu’elle n’est pas conforme à la religion, à la loi ou tout simplement à l’image que nous voudrions donner de nous-mêmes. Nous devons cesser de céder à la tentation du repli, à la paresse de définir notre culture et notre identité comme des données figées et anhistoriques. Nous ne sommes pas notre culture ; mais notre culture est ce que nous en faisons. Cessons d’opposer islam et valeurs universelles des Lumières, islam et égalité des sexes, islam et plaisir charnel. Car la religion musulmane peut être vue d’abord comme une éthique de la libération, de l’ouverture à l’autre, comme une éthique intime et pas seulement une morale manichéenne.

                                   Plus que jamais, je suis persuadée qu’une refonte totale des droits individuels et sexuels est nécessaire si nous voulons favoriser l’épanouissement de la jeunesse et la juste implication des femmes dans la société. Nous devons, au moins, engager une réflexion collective, sans diatribe et sans haine. Quelle place souhaitons-nous donner à l’individu dans nos sociétés ? Comment protéger les femmes et les minorités ? Comment faire accepter la marginalité dans une société qui survalorise le respect de la norme religieuse et la surveillance sociale ? Quid d’un droit à la vie privée, à l’intime, qui ne soit régenté ni par l’État ni par le religieux ?

                                   Je sais que pour certaines personnes les droits sexuels ou la liberté sexuelle sont quelque chose d’anecdotique. Dans un pays comme le Maroc, on pourrait considérer qu’il y a bien d’autres combats à mener, que l’éducation, la santé et la lutte contre la pauvreté passent avant les libertés individuelles. Mais les droits sexuels font partie des droits de l’homme ; ce ne sont pas des droits accessoires, des petits plus dont on pourrait se passer sans mal. Exercer sa citoyenneté sexuelle, disposer de son corps comme on l’entend, mener une vie sexuelle qui soit sans risque, source de plaisir et libre de toute coercition sont des besoins fondamentaux et des droits qui devraient être inaliénables et garantis pour tous.

                                   Non seulement les droits sexuels font partie des droits humains, mais on peut considérer que c’est par le biais de la sexualité que la domination masculine s’est établie dans de multiples civilisations. Défendre les droits sexuels, c’est défendre directement les droits des femmes. À travers le droit de disposer de son corps, de s’affranchir de son cercle familial pour vivre une sexualité épanouissante, ce sont des droits politiques qui se jouent. En légiférant dans ces domaines, on donnera aux femmes les moyens de se défendre contre la violence masculine et les pressions familiales. La situation aujourd’hui n’est plus tenable. À savoir, une situation de misère sexuelle généralisée, en particulier pour les femmes, dont les besoins sexuels autres que la reproduction sont tout simplement ignorés ; des femmes qui sont soumises à l’impératif de la virginité avant le mariage et à la passivité ensuite. Une femme dont le corps est soumis à un tel contrôle social ne peut pas jouer pleinement son rôle de citoyenne. En étant à ce point « sexualisée », exhortée au silence ou à l’expiation, la femme est niée en tant qu’individu.

                                   Michel Foucault écrivait dans son Histoire de la sexualité que la sexualité est un « point de passage particulièrement dense pour les relations de pouvoir : entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux, entre parents et progéniture, entre éducateurs et élèves, entre prêtres et laïcs, entre une administration et une population ». Au Maroc, comme dans d’autres pays musulmans, on peut considérer que la situation de misère sexuelle est un frein à la construction de l’individu et du citoyen. Maintenu sous une chape de plomb, l’homme reproduit dans son cercle familial et intime un modèle autoritariste. On produit ainsi un individu adapté à un régime coercitif. Comme le fait remarquer le politologue Omar Saghi dans un article de Jeune Afrique publié en janvier 2013, clandestinité sexuelle et clandestinité politique vont de pair. « Ceux qui, à 16 ans, ont dû supplier un quelconque flic de ne pas les emmener au poste parce qu’ils se tenaient par la main et parce qu’en la matière la famille allait être aussi répressive, aussi brutale que l’État policier, se forment à la vie mutilée des dictatures. »

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents