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le blog lintegral

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L'arnaque Sarkozy

Publié par medisma sur 18 Novembre 2011, 20:30pm

Catégories : #lintegral

Plans sociaux: l'arnaque Sarkozy

imagesCAPZBAC1Face à la nouvelle vague de licenciements et de suppressions d'emplois qui menace la France, du secteur de l'automobile jusqu'à celui de la banque, en passant par d'innombrables autres activités, Nicolas Sarkozy a choisi une détestable stratégie, celle de la dénégation. Jouant sur les mots, il a ainsi eu le front d'assurer jeudi matin qu'il n'y aurait «pas de plan social» chez PSA. En réalité, il y aura -envers et contre tout- des réductions drastiques d'effectifs, même si ce ne sera pas sous la forme de licenciements secs.

Cette hypocrisie élyséenne est d'autant plus choquante que la puissance publique dispose d'importants moyens d'action: les plus gros plans sociaux sont souvent annoncés par les entreprises qui ont précisément été le plus aidées par la puissance publique, à grand renfort de subventions prélevées sur les deniers publics et qui sont venues creuser l'endettement.

De fait, la vague de suppressions d'emplois qui a enflé depuis quelques jours est impressionnante. Le groupe automobile PSA a annoncé la suppression de 6.000 postes en Europe, dont 5.000 en France et tout particulièrement 2.000 dans le secteur de la recherche et du développement.

Au même moment, le même groupe PSA a annoncé la fermeture de son usine de Dannemarie (Haut-Rhin), spécialisée dans la fabrication de moteurs de scooters Peugeot, et prévoit des reclassements ou des départs anticipés pour les 140 salariés. Selon des documents adressés aux syndicats avant un comité central extraordinaire (CCE) prévu le 25 novembre, une quarantaine de salariés seraient reclassés dans l'autre site des scooters Peugeot à Mandeure (Doubs), selon l'AFP. Des reclassements dans d'autres usines du groupe, à Sochaux (Doubs) et Mulhouse (Haut-Rhin), et des départs anticipés sont prévus pour le reste des salariés, a expliqué le délégué CGT Emmanuel Guillier.

Outre la fermeture de Dannemarie, le groupe devrait annoncer lors de ce CCE la suppression de 60 emplois à Mandeure (environ 650 salariés actuellement), a ajouté le syndicaliste, précisant que l'intersyndicale se réunissait jeudi matin pour débattre de ce plan.

De leur côté, les grandes banques françaises ont annoncé ces derniers jours une cascade de suppressions d'emploi. BNP Paribas va ainsi supprimer 1.396 postes dans ses activités de banque de financement et d'investissement (BFI), soit environ 6,5 % des effectifs du pôle. C'est ce qu'ont révélé, mercredi 16 novembre, des représentants des syndicats SNB et CFDT de la banque, à l'issue d'une réunion avec la direction. Ces suppressions devraient intervenir à hauteur de 1.023 emplois à l'étranger et 373 en France.

La Société générale va faire de même, avec un plan social qui pourrait toucher environ 1.000 personnes, dont la moitié en France. Et ces mesures devraient être complétées par un plan d'austérité salariale.

 

Des souffrances sociales invisibles

Ces annonces ne donnent qu'une faible idée du séisme social qui est en train de s'enclencher. Ces entreprises sont très connues et leurs plans sociaux sont donc visibles et commentés. Mais au-delà, c'est toute l'économie française qui est actuellement en train de piquer du nez, du fait de la coordination européenne des politiques d'austérité, générant une violente contraction de l'emploi et donc une envolée du chômage, dont on ne connaît pour l'heure que les signes avant-coureurs.

Or, avant même ce nouveau choc, les chiffres récents du marché du travail étaient déjà détestables. Voici les derniers en date, ceux arrêtés à fin septembre :

Le chômage en septembre 2011  

Ces chiffres font apparaître que le chômage est en très forte hausse. Le nombre des demandeurs d'emploi de la catégorie A s'élève ainsi à presque 2,8 millions de personnes, et celui des demandeurs d'emploi des catégories A, B et C atteint désormais plus de 4,4 millions, en hausse de 4,7% sur un an. Et dans un marché du travail, qui est maintenant très déréglementé, tout se passe très vite : c'est sous la forme de fins de contrats à durée déterminée (en hausse de 9,7% sur les douze derniers mois se terminant fin septembre), ou de fins de missions d'intérim (+13,6%), que les entreprises réduisent leurs effectifs. En clair, il n'y a pas même besoin de plan social.

Derrière les plans sociaux très visibles de PSA, BNP Paribas ou encore de Société générale, il y a donc des souffrances sociales d'autant plus violentes qu'elles ne sont pas visibles. Pas de plan social, pas d'émotion publique : la société n'est pas même alertée de l'onde de choc de la crise. Tout juste devine-t-on quelques semaines ou quelques mois plus tard les dégâts que cela a occasionné. A cause de signes terribles : le nombre en progression de SDF dans la rue ; le nombre de pauvres ou d'exclus qui fouillent les poubelles...

 

Deux tiers des créations d'emploi sous forme d'intérim

La violence de « l'ajustement social » auquel la France est en train de procéder – en même temps que son invisibilité, ou du moins sa discrétion –, tout cela est confirmé par le « Portrait social » que l'Insee a publié cette semaine (lire Le triste florilège des inégalités françaises). On y apprenait ceci : « L'intérim a été la principale variable d'ajustement de l'emploi à l'activité entre 2008 et 2010. Entre le 1er trimestre 2008 et le 1er trimestre 2009, les effectifs intérimaires se sont contractés de 35 %. Le taux de recours à l'intérim s'est effondré dans les secteurs marchands, passant de 4,1% au 1er trimestre 2008 à 2,8 % au 1er trimestre 2009. Dès la mi-2009, l'intérim est reparti à la hausse. Ce redémarrage précoce de l'intérim se poursuit tout au long de 2010 (+ 96.000 intérimaires). Au total, sur l'année, l'intérim contribue pour plus des deux tiers aux créations d'emploi. Le dynamisme de l'intérim s'essouffle cependant au 1er semestre 2011 (+ 17.000 créations) et le taux de recours se stabilise à 3,8 %, soit légèrement en deçà de ce qui prévalait avant la crise. »

Le fait que l'intérim contribue pour plus des deux tiers aux créations d'emploi est un phénomène nouveau et spectaculaire. Par contraste, au début des années 1980, près de neuf emplois sur dix créés étaient des contrats à durée indéterminée (CDI). Or désormais, la part des emplois en CDI ne cesse de baisser, comme le détaille l'Insee : « Le taux d'emploi en CDI a ainsi atteint un point haut au 4e trimestre 2008,où il s'établissait à 50,5% de la population, puis il a diminué en 2009. La reprise de l'activité n'enraye pas tout de suite cette diminution: le taux d'emploi en CDI continue de baisser tout au long de 2010 et début 2011 (48,7% au 1er trimestre 2011) pour ne repartir à la hausse qu'au 2e trimestre 2011. »

Toutes ces indications, lourdes de drames sociaux, montrent clairement comment les choses se passent désormais : plus besoin, le plus souvent, de recourir à un plan social en bonne et due forme ! Puisque l'intérim occupe une place aussi importante, il suffit d'y mettre le holà, à chaque fois que la conjoncture se retourne ! Cette tendance est particulièrement à l'œuvre dans le secteur de l'automobile, où souvent les effectifs sont composés à près de 50% d'intérimaires.

Et face à ces politiques sociales iniques qui visent à développer seulement les emplois précaires (intérim, CDD, temps partiel), quelle stratégie a choisi Nicolas Sarkozy ? Celle effectivement de la complicité et du déni. A l'occasion d'une cérémonie à l'Elysée pour commémorer le troisième anniversaire du Fonds stratégique d'intervention (FSI – Lire Les errements du (hedge Fund stratégique d'investissement), il a joué sur les mots. Evoquant la situation de PSA, il a souligné que son dernier « plan de compétitivité » n'était pas équivalent à un plan social : « Je me suis entretenu hier soir et ce matin avec Philippe Varin (président du directoire de PSA - ndlr) et je peux vous annoncer qu'il n'y aura pas de plan social en France chez PSA. »

  Une pluie de cadeaux pour des entreprises bénéficiaires

Mais évidemment, c'était une galipette. Le chef de l'Etat a voulu suggérer qu'il n'y aurait pas de suppression d'effectifs, alors qu'en réalité, il n'y aura pas de licenciement. En clair, rien n'a changé, strictement rien. Et dans la phrase suivante, Nicolas Sarkozy, presque malgré lui, l'a admis : « En particulier, les 2.000 salariés du groupe les plus directement concernés par ce projet seront tous reclassés, soit à l'intérieur du groupe, soit à l'extérieur du groupe, notamment chez des prestataires. » 

Ce tour de passe-passe est d'autant plus scandaleux que la puissance publique dispose naturellement d'énormes moyens de pression sur toutes les entreprises privées, et notamment les constructeurs automobiles et les banques. Ce sont en effet d'abord ces deux secteurs économiques qui ont été le plus aidés par le gouvernement, notamment en 2008, lors des différents plans de soutien à l'économie.

Les banques ont ainsi profité d'un plan portant sur un apport de 20 milliards d'euros en liquidité et 20 milliards d'euros en fonds propres. De surcroît, elles ont mis la main dans des conditions scandaleuses sur une bonne partie des fortunes qui sont collectées au travers du Livret A et qui ont été partiellement détournées de leur objet, le financement du logement social.

Dans le cas de l'industrie automobile, de l'argent, il en est tombé depuis 2008 comme à Gravelotte. Le portail Internet du gouvernement en dresse une liste (elle est ici) qui est très loin d'être exhaustive : prime à la casse de 1.000 euros par véhicule remplacé ; 1 milliard d'euros en soutien au crédit automobile ; 400 millions d'euros à la recherche développement et 500 millions d'euros d'aide pour les véhicules décarbonés ; 300 millions d'euros d'abondement, notamment par le FSI, pour les restructurations dans l'automobile...

Ce tableau impressionnant des cadeaux faits par le gouvernement aux entreprises, et notamment les plus grandes, n'est toujours pas terminé. A ces aides sectorielles, il faut aussi ajouter les aides générales. Ainsi dans le seul cas de la suppression définitive de la taxe professionnelle, effective depuis deux ans, on sait désormais qu'elle a été la réforme la plus coûteuse du quinquennat, puisque son coût est désormais évalué à 5 milliards d'euros. De même, on peut ajouter l'impôt sur les sociétés : comme l'ont révélé les travaux de la Cour des comptes, le taux légal d'imposition est de 33,3%, mais les grandes entreprises ne paient un taux effectif que de 12%, contre 30% pour les PME. Et le gouvernement tolère cela...

La provocation Pébereau

C'est d'autant plus choquant que, globalement, les entreprises se portent financièrement bien malgré la crise, et tout particulièrement les entreprises les plus grandes, dont celles du CAC40. Selon une étude du cabinet d'audit et de conseil Pricewaterhouse Coopers, publiée par Le Monde (17 novembre), ces entreprises du CAC40 devraient ainsi afficher un bénéfice insolent de 87 milliards d'euros en 2011, soit pas très loin du record historique de 101 milliards d'euros enregistrés en 2007. Ceci explique d'ailleurs cela : si les entreprises, malgré la crise, affichent de tels profits, c'est que l'ajustement social est en France particulièrement violent.

S'il le voulait, le gouvernement disposerait de nombreux moyens pour contraindre les entreprises à mieux partager les richesses qu'elles créent, un peu plus à l'avantage du travail, et un peu moins à l'avantage du capital et des actionnaires : soit en rendant conditionnelles les aides qu'il apporte à ces entreprises ; soit en instaurant une taxation en cas de recours abusif aux formes d'emplois précaires.

Mais visiblement, Nicolas Sarkozy a choisi de faire la sourde oreille. Pourquoi se gênerait-il ? Il se trouve même quelques hiérarques, dans la presse, pour l'applaudir en même temps que Michel Pébereau, la figure emblématique de BNP Paribas. Dans un remarquable esprit d'à-propos, un juré composé par quelques économistes de banque, de grands patrons et des responsables de la rédaction des Echos a eu ainsi l'idée d'attribuer mercredi soir au banquier, qui a souvent conseillé Nicolas Sarkozy, le « Grand prix de l'économie 2011 ». Sur son blog, l'éditorialiste Dominique Seux ,  applaudit à tout rompre, en faisant cette remarque « C'est un grand banquier », tout juste en l'agrémentant de ce codicille : « même si cela paraît une provocation ».

  Vraiment ? Une provocation ? Mais puisque, parole de Nicolas Sarkozy, il n'y a pas de plan social...

| Par Laurent Mauduit

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