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La République « exemplaire » de Hollande : cette mainmise des réseaux « DSK » sur Bercy

Publié par medisma sur 9 Octobre 2012, 22:50pm

Catégories : #lintegral

BERCY EN PROIE AU CLANISME ET AUX RESEAUX D’INFLUENCE

 

  Pierre-Moscovici-et-Jerome-Cahuzac-economie-francaise-en-pa.jpg

 

Tout au long de la campagne présidentielle, cela a été le leitmotiv de François Hollande : lui président, la République serait « exemplaire », et la France gouvernée « autrement ». Las ! Cinq mois plus tard, les ministères des finances et du budget attestent que la promesse n’est pour l’instant pas honorée, au moins dans ce secteur de la vie publique. Fonctionnement clanique, mise à l’écart des journalistes dont les enquêtes déplaisent et surtout constitution de réseaux d’influence et d’affaires, pour l’essentiel autour d’anciens proches de Dominique Strauss-Kahn : sous la férule du ministre des finances, Pierre Moscovici, et de celui du budget, Jérôme Cahuzac, la puissante machine de Bercy connaît des dysfonctionnements qui laissent pantois, tant ils sont nombreux et portent jusqu’à des problèmes qui ont trait à l’éthique en politique.

Les deux ministres, qui sont deux anciens proches de Dominique Strauss-Kahn, de sensibilité sociale-libérale, ont constitué autour d’eux une petite task force qui fait beaucoup jaser dans les couloirs de Bercy, et jusqu’à l’Élysée. Elle regroupe des amitiés anciennes – ce qui n’a rien de répréhensible – mais aussi des intérêts dans la vie des affaires – ce qui est autrement plus problématique. Et c’est à ce mélange des genres entre intérêt général, que la puissance publique doit incarner, et jeu opaque d’intérêts privés, auquel Bercy semble s’être laissé aller.

Reconstituons la petite galaxie des amitiés qui s’est constituée au sein de ces ministères, on aura tôt fait de comprendre qu’elle est tout sauf anodine.

Au ministère du budget, Jérôme Cahuzac a ainsi pris à ses côtés comme conseillère pour la communication Marion Bougeard, qui vient de l’agence Euro RSCG (ici le cabinet du ministre). Voici ce qu’en disait récemment Marianne : « Tricarde à l'Élysée et à Matignon, l'agence Euro RSCG, qui s'était investie corps et âme dans la communication de Dominique Strauss-Kahn, se refait une influence dans les ministères. Au Budget, la conseillère en communication de Jérôme Cahuzac n'est autre que Marion Bougeard, ancienne directrice associée de l'agence. Marion Bougeard conseillait déjà Liliane Bettencourt au moment de l'affaire qui coûta sa place au ministre du budget sarkozyste, Éric Woerth... »

Et Marianne précisait : « Cette brune de presque 40 ans, ancienne directrice associée d'Euro RSCG, a en effet conseillé Liliane Bettencourt pendant la fameuse affaire mêlant fisc, financement politique et conflits d'intérêts – scandale à tiroirs qui coûta sa place au ministre du Budget sarkozyste Éric Woerth. O surprise, ô ironie : voilà que la même est désormais conseillère en communication de Jérôme Cahuzac, l'actuel ministre du Budget – autant dire : de “M. Impôts”. “On dirait une mauvaise blague”, grince un ministre... L'affaire n'a en tout cas pas fait rire Jean-Marc Ayrault, qui aurait demandé à Jérôme Cahuzac de se passer des services de ladite Marion Bougeard, lors de la constitution des cabinets – ce que Matignon ne veut pas commenter. Mais ce dernier, pour qui la communicante travaillait bénévolement depuis deux ans déjà, a décidé de passer outre... »

La consultante a donc conseillé Liliane Bettencourt, au cœur d’un immense scandale, dont l’un des volets porte sur une évasion fiscale massive. Et la voilà qui du jour au lendemain conseille le ministre du budget dont l’une des missions est de… réprimer l’évasion fiscale. On conviendra qu’au plan éthique, il est pour le moins surprenant que Jérôme Cahuzac n’ait pas mesuré que cela contrevenait aux engagements du candidat Hollande et que cela était de nature à choquer l’opinion – sans parler des militants de son propre parti.

Où l'on reparle encore de Matthieu Pigasse

Le rôle de cette conseillère en communication auprès de Liliane Bettencourt a été relaté, à l’époque, par toute la presse. On en trouvera par exemple une évocation dans cet article du Parisien, en date du 26 octobre 2010, ou encore dans cet article du Point, en date du 15 décembre 2011. Sous la plume de mon confrère Hervé Gattegno, ce magazine racontait dans ce numéro tout à la fois les récentes perquisitions opérées par la Brigade financière en même temps que certaines manipulations médiatiques :

« La brigade financière a ainsi perquisitionné, le 3 novembre, chez Laurent Obadia, le “conseiller en relations publiques” que s'était adjoint Pascal Wilhelm pour “contrôler l'image” de Mme Bettencourt – selon une convention signée en janvier 2011. Les policiers ont alors vérifié que sa rémunération se montait à 80 000 euros par mois. Une autre perquisition a été effectuée chez Marion Bougeard, elle aussi recrutée pour organiser l'encadrement médiatique de la milliardaire. Les traces des interventions du tandem de communicants ne manquent pas : de nombreux médias ont relayé, depuis l'été 2010, les protestations de Liliane Bettencourt face à de prétendues “attaques” de sa fille – serments lancés d'une voix faiblarde, mais qui ont entretenu le mythe d'une femme d'affaires minée par l'âge et pourtant sûre de ses choix. Le 22 septembre, un article du Figaro racontait que la mère et la fille ne se parlaient plus. La veille, elles avaient passé un long moment ensemble dans l'hôtel particulier de Neuilly... »

Mediapart a, par ailleurs, révélé récemment des échanges de SMS entre Laurent Obadia et Bernard Squarcini, l'ancien patron de la DCRI, qui intriguent le juge d'instruction chargé de l'affaire Bettencourt (lire ici).

Mais la vérité, c’est que Marion Bougeard n’a pas travaillé que pour Liliane Bettencourt. Son client le plus proche, celui pour lequel elle a le plus travaillé ces derniers temps et jusqu’à l’élection présidentielle, n’est autre qu’un banquier d’affaires maintenant bien connu de Bercy et qui est au cœur d’un scandale récent.
Il s’agit du banquier de Lazard, Matthieu Pigasse, propriétaire des Inrocks et copropriétaire du Monde, qui a obtenu de Pierre Moscovici, dans les conditions controversées que l’on sait, le mandat de banquier conseil pour la création de la Banque publique d’investissement (lire Les enjeux cachés du duel Moscovici-Montebourg). Quiconque veut le vérifier peut en trouver d’innombrables preuves : depuis plusieurs années, tous les communiqués de la banque Lazard (par exemple, celui-ci) faisaient mention que les « contacts presse » étaient assurés par Marion Bougeard.

 

Dans tout cela, il y a un mélange des genres, entre intérêt général et affaires privées. Mais il y a comme un fil d’Ariane : cette galaxie d’amitiés qui s’est installée à Bercy regroupe effectivement pour l’essentiel des proches de Dominique Strauss-Kahn.

Car si Euro RSCG a longtemps conseillé le patron déchu du FMI, jusqu’au Sofitel de New York, et même au-delà, Matthieu Pigasse est aussi un ancien du cabinet du même « DSK », du temps où il était ministre des finances dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il a gardé ensuite un lien fort avec lui, du temps où il régnait en maître sur le FMI. Lequel Matthieu Pigasse a par ailleurs évidemment un très fort intérêt à faire savoir à tous ses clients, dans le privé, qu’il est un homme éminemment puissant et influent puisqu’il est le banquier d’affaires qui a l’oreille de Pierre Moscovici.

C’est comme un puzzle qu’il faut reconstituer. Ancien collaborateur de Dominique Strauss-Kahn à Bercy, Matthieu Pigasse a continué de s’appuyer sur son mentor quand ce dernier est devenu patron du FMI, car lui-même, devenant banquier conseil du gouvernement grec dans la crise des dettes souveraines y avait intérêt. Et voilà soudainement qu’il peut, grâce aux deux ministres strauss-kahniens de Bercy, tisser sa toile au ministère des finances. Qu’espérer de mieux ? La conseillère en communication, de son côté, a travaillé d’abord pour Matthieu Pigasse puis pour Bercy, au moment même où son ancien client, le même Matthieu Pigasse, a décroché un contrat controversé… de Bercy. La cour de récréation du capitalisme de connivence à la française est décidément toute petite…

Finchelstein omniprésent au cabinet de Moscovici

Il faut suivre encore notre fil d’Ariane. Car il y a une autre personnalité de l’ombre qui alimente beaucoup de spéculations à Bercy. Il s’agit de Gilles Finchelstein, une autre figure connue de l’agence Euro RSCG. Affable s’il en est, plus cultivé que beaucoup d’autres dans la mouvance strauss-kahnienne dont il est l’un des épigones, prêtant souvent sa plume à ceux qui l’emploient sans toujours revendiquer la paternité de ses écrits, il est d’un naturel bonhomme qui n’incite pas à l’animosité. De surcroît, il est le directeur général de la Fondation Jean Jaurès et cet engagement résonne comme un gage d’honorabilité.

Il faut pourtant aller au-delà des apparences et dire les choses telles qu’elles sont : Gilles Finchelstein est depuis quelques années l’un des pions stratégiques dans le dispositif d’influence du même Matthieu Pigasse. Co-auteur avec le banquier du livre Le Monde d’après – Une crise sans précédent (Éd. Plon, 2009, 231 p., 19,90 euros), il a continué ensuite à œuvrer auprès du banquier d’affaires. Et les méchantes langues assurent qu’il a joué un rôle, au moins de conseil, dans l’ouvrage écrit en solo ensuite par Matthieu Pigasse, portant un titre de nature à plaire pour sa fausse insolence dans les beaux quartiers : Révolutions (Plon, 2012).

Or, depuis quelque temps, Gilles Finchelstein, qui est lui aussi un ancien du cabinet « DSK » et qui y a, à l’époque, côtoyé Matthieu Pigasse, a posé ses valises dans le cabinet de Pierre Moscovici. Il est pour l’heure toujours payé par Euro RSCG, sans que l’on sache précisément quels sont ses clients – Matthieu Pigasse, entre autres ? Mais il est si souvent installé à l’étage du cabinet de Pierre Moscovici que cela alimente beaucoup de spéculations dans cette grande maison sur son rôle de conseiller occulte. D’autant que, selon de bonnes sources, il aurait proposé à Pierre Moscovici de ne pas venir seul, mais avec une ribambelle d’autres conseillers de l’ombre, l’un pour faire office de plume du ministre, l’autre préposé à faire des études sur l’image du même ministre.

S’il est le porte-voix – ou le porte-plume ? – de très grands intérêts privés, que fait donc si souvent Gilles Finchelstein au cabinet de Pierre Moscovici ? La question concerne au premier chef le ministre des finances, beaucoup plus que le conseiller de l’ombre.

Dans les grandes directions du ministère, cette débauche de moyens fait sourire. Car, en vérité, chacun a vite compris que Pierre Moscovici était plutôt un ministre évanescent et que sa parole comptait peu. Alors que dans le passé, Bercy a pu connaître de grands ministres, qui avaient une parole qui portait, l’actuel détenteur du portefeuille est, lui, plutôt effacé.

Tous les grands arbitrages qui devraient être de son ressort sont en réalité traités en direct par l’Élysée. L’affaire des « business angels », qui se sont abusivement fait passer pour des « pigeons » est de ce point de vue très révélatrice : c’est l’Élysée qui, de bout en bout, a géré le dossier et a pris la décision de battre en retraite sur le projet fiscal initial. Et Bercy n’a fait qu’une seule chose : convoquer à la hâte, jeudi 4 octobre en fin d’après-midi, une mini-conférence de presse pour essayer de sauver la face et faire croire que la reculade n’en était pas une. L’affaire a été si mal menée, sous la houlette notamment de Gilles Finchelstein, qu’elle a fait grincer des dents dans les autres ministères concernés par le dossier.

Bercy, la forteresse opaque

Quoi qu’il en soit, le fait est là : dans la grande forteresse de Bercy, le banquier d’affaires Matthieu Pigasse, de la banque Lazard, a ses entrées à tous les étages. À celui du budget comme à celui des finances. Soit dit en passant, cela éclaire sous un jour nouveau la controverse qui a éclaté, voilà près d’un mois, sur les conditions d’attribution, sans appel d’offres, au même Matthieu Pigasse de la mission de banquier conseil de l’État pour la création de la Banque publique d’investissement. Ou plus précisément, cela donne du crédit à l’hypothèse selon laquelle un piège aurait été tendu au ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg.

Exploitant le fait que sa compagne, Audrey Pulvar, est le directrice des Inrocks, certains auraient pu chercher à faire tomber Arnaud Montebourg dans un piège méticuleusement organisé longtemps à l’avance, en faisant croire qu’il avait du même coup poussé à la roue pour que l’employeur de sa compagne soit choisi comme banquier conseil de l’État. Alors qu’en réalité, il est maintenant clairement établi que ce n’est pas le cas. Et que les vrais liens sont ceux qui lient Pierre Moscovici à Matthieu Pigasse.

La manipulation a-t-elle même été plus forte ? Dans ces univers auxquels font appel Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, s’est-il même trouvé des officines, comme l’a suggéré Le Point dans l’affaire Bettencourt, pour faire courir délibérément de faux bruits et organiser des manipulations médiatiques ? Le simple fait que l’on puisse se poser de semblables questions – jusque dans les sommets de l’État – atteste à tout le moins qu’un climat délétère commence à régner à Bercy.

Cette mainmise des anciens de « DSK » ne se manifeste d’ailleurs pas qu’au ministère des finances. Dans les contrées plus lointaines de l’empire, la règle est la même : les anciens collaborateurs de l’ex-patron du FMI ont droit au tapis rouge. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) en est l’une des illustrations. À peine promu directeur général de la puissante institution financière, l’ex-sarkozyste Jean-Pierre Jouyet s’est en effet empressé de choisir Stéphane Keïta pour directeur de cabinet (ici le communiqué annonçant sa nomination) et de se décharger très fortement sur lui pour le pilotage de la maison.

Or, Stéphane Keïta est, lui aussi, l’une des figures connues de ce groupe d’amis. Neveu de Dominique Strauss-Kahn, il en a été le chef de cabinet au ministère des finances, de 1997 jusqu’à sa chute, dans les turbulences du scandale de la Mnef et de la cassette Méry, en 1999. Sentant que la configuration des astres – ou plutôt, de Bercy – leur était favorable, d’autres ex-proches de « DSK » affichent, par ailleurs, depuis quelque temps, de féroces ambitions.

 Un seul exemple – mais il y en a d’autres : après avoir flirté avec le sarkozysme et siégé au sein de la Commission Attali, un ancien membre du cabinet de « DSK » aux finances, Stéphane Boujnah, aujourd’hui reconverti dans la banque d’affaires en qualité de directeur général pour la France et le Benelux de Santander Global Banking and Markets, arpente en tous sens les allées du pouvoir pour essayer de décrocher le poste de directeur général de la Banque publique d’investissement – sans trop se soucier que le futur établissement public recouvrira des métiers qu’il n’a jamais pratiqués.

 Cette mainmise des réseaux « DSK » sur Bercy se double de pratiques, en matière de transparence et d’information, que l’on aurait pu espérer à tout jamais révolues. Portes ouvertes pour certains journalistes, portes fermées pour d’autres – et tout particulièrement pour Mediapart (lire notre boîte noire) –, le ministère des finances et tout autant le ministère du budget ont pris depuis l’alternance de fortes libertés avec le droit à l’information.

En bref, Bercy est tout sauf une grande maison de verre. Et certains journalistes n’y sont plus les bienvenus. Ce qui est passablement inquiétant car le droit à l’information est, dans une « République exemplaire », un droit fondamental qui protège non pas les journalistes mais d’abord les citoyens.

 

Boite noire:

Depuis que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est constitué, j’ai entretenu des relations de travail normales avec tous les ministères auxquels je me suis adressé, tout comme avec les services du premier ministre ou ceux de l’Élysée, mais ni avec le ministère des finances ni avec celui du budget. Dans ces deux cas, sans que j’en connaisse les raisons, j’ai été placé dans une situation proche de l’interdit professionnel. Mise à l’écart de rencontres avec la presse, impossibilité d’accéder aux membres des cabinets ministériels : j’ai eu beau alerter les deux ministres, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, la situation ne s’est jamais améliorée. Au lendemain de la publication d’un article qui avait déplu au ministère des finances, j’ai même reçu ce SMS de la chargée de communication de Pierre Moscovici : « Dès ce soir, j’arrête mon abonnement » à Mediapart.

Dans un billet sur mon blog (lire Journalistes, vous n'êtes pas les bienvenus à Bercy!), je raconte par le menu, pour celles et ceux que cela pourrait intéresser, les difficultés que j’ai rencontrées – et que je continue de rencontrer – dans l’exercice de mon travail, dans ces deux ministères.

MEDIAPART/ Par Laurent Mauduit

 

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O
I think the former member of the DSK finance is now converted into the bank business and he is now the person who is called as the General Manager. And now that is one powerful position.
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