Marie-Odile Mergnac et Cécile Renaudin, auteures de "L'Histoire du Baccalauréat" aux éditions Archives et culture, l'ont rappelé en 2009 : depuis sa création par Napoléon
en 1808, le baccalauréat a connu bien des péripéties. Fraude généralisée, triche en tout genre,
bourde des correcteurs, tentative de vol des copies... Tandis que 703 059 candidats ont passé la terrible épreuve cette année, soit 6,9 % de prétendants de plus
qu'en 2011, voici un florilège des scandales qui ont émaillé l'histoire du bac :
En 2008,
un universitaire lillois s'est penché sur l'art ancestral de la triche. Et il a rapporté que sous le Second empire, les fraudes du bac faisaient déjà scandale. En 1854, alors que le baccalauréat
consistait en grande partie en des traductions de textes latins, la police a démantelé un véritable réseau de tricheurs appelés "versionnaires". Des traducteurs très courus des familles
fortunées qui n'hésitaient pas à les envoyer à l'examen à la place de leur progéniture. La carte d'identité n'ayant pas encore fait son apparition, il leur suffisait d'imiter la
signature du bachelier... Les "versionnaires" étaient organisés comme une véritable entreprise pour leur trafic qui pouvait représenter jusqu'à 1 200 francs par prestation. Une véritable fortune
à l'époque. La pratique ne sera enrayée qu'en 1923, avec l'apparition de la photo d'identité
En juillet 1900 par exemple, de fortes chaleurs avaient obligé certains centres d'examen parisiens à ouvrir grand les fenêtres. Pendant l'épreuve de version de
latin, au rez-de-chaussée de l'hôtel de ville, un candidat était parvenu à transmettre quelques détails de "l'Orator" de Cicéron à un complice dans la
rue qui s'est alors empressé d'aller chercher la traduction à la bibliothèque. Celle-ci aurait ensuite circulé de main en main dans la salle d'examen ! Les correcteurs ne doivent leur
salut qu'à un paragraphe du texte, présent dans le Nissard à la bibliothèque, mais volontairement exclu des copies pour alléger l'épreuve...
En 1982, en Haute-Normandie, onze professeurs en colère ont décidé de donner 20/20 à toutes leurs copies ! La raison de leur grogne : un
jury avait été, l'année précédente, trop sévère sans que l'administration ne s'en émeuve. En juillet 1981, le jury n°121 avait en effet attribué de si mauvaises notes que la
moitié des copies dont il avait la charge ne dépassaient pas les 6/20. Pire, le jury incriminé présentait par ailleurs des irrégularités dans sa composition, d'après
l'ouvrage "L'Histoire du Baccalauréat". Le contrecoup n'a pas été sans conséquence. En donnant la note maximale à toutes leurs copies,
les correcteurs vengeurs ont perturbé toute l'organisation du bac. Les 1300 candidats concernés ont dû attendre plus longtemps leur résultat... le temps que leurs
copies soient renotées.
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En 1982, dans l'académie de Rouen (encore), les candidats au bac technologique ont eu à plancher sur un énoncé d'électronique comportant des
erreurs. Un "R1" ayant malencontreusement pris la place d'un "R5". Si la majorité des candidats a été prévenue à temps, les lycéens de Sotteville n'ont quant à eux jamais eu cette
chance. Le tollé amènera les concepteurs du sujet à minimiser l'impact de cette "coquille". Selon eux, "il semblait évident que les
élèves corrigeraient d'eux mêmes"... Au rectorat de Haute-Normandie, on a souligné que l'erreur n'a eu aucune incidence sur les moyennes des élèves concernés. Dans la même
académie, un exercice de mathématiques a aussi été donné à des candidats auxquels il n'était pas destiné. Il leur sera accordé trois quarts d'heure supplémentaires pour rendre
leur copie.
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En 1982, une lycéenne a subi un véritable cauchemar lors du bac. Premier coup dur : un zéro en philosophie, un loupé extrêmement rare.
Heureusement, la note n'est pas éliminatoire. D'autant moins que multiplié par le coefficient de la discipline (coeff. 1 dans le bac G2, correspondant à l'époque à la
comptabilité), son zéro s'est étonnamment transformé en un 8 ! Un véritable miracle. Mais cela n'aura pas suffi pour elle.
Car notre lycéenne a été inscrite comme "absente" à l'épreuve "d'économie sociale et familiale", en option. Une épreuve à laquelle elle se serait pourtant bien rendue le
9 juin 1982 ! Elle a d'ailleurs adressé un long courrier au rectorat où elle a donné moult détails prouvant sa présence, puis une lettre où elle mentionne quatre
témoins. On ne sait pas si elle a obtenu gain de cause.
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Un ministre de l'Education soupçonné de fraude lors d'une session du bac, c'est embarrassant. En 2008, tandis que Xavier Darcos œuvre rue de
Grenelle depuis un an, "La Dordogne Libre" rapporte un incident qui avait émaillé le bac en 1982. Xavier Darcos était alors professeur au
lycée Laure-Gatet de Périgueux et membre de la commission chargée d'élaborer les sujets pour le baccalauréat. De quoi favoriser ses élèves en les faisant travailler sur les
"bons" sujets ? C'est ce qu'assurent a l'époque des rumeurs. Et elles furent suffisamment crédibles pour que le recteur de l'académie de Bordeaux prononce l'annulation de
l'épreuve. Après une enquête administrative, Xavier Darcos sera inculpé. Le tribunal de grande instance de Périgueux prononcera finalement sa relaxe le 30 mai
1983.
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Au cours de l'été 1994, à Paris, un correcteur du jury n°100 fait polémique. La moyenne des 201 copies de philosophie qu'il a corrigées n'est
que de 6,75/20. Dans le jury voisin, celle-ci est de 9/20... Deux hypothèses : soit les élèves étaient très mauvais, soit le
professeur chargé de les évaluer les a purement et simplement "saqués". C'est cette dernière option qui a été retenue à l'époque selon les auteures de "L'Histoire du
Baccalauréat", qui expliquent que le correcteur a été "mis à l'index par la presse". Et elles appuient leur propos par une rapide extrapolation. Si toutes les disciplines avaient
été notées avec la même sévérité, le taux de réussite au bac aurait chuté à 39 % dans la série E (maths et technique). Le jury étant seul décideur, les notes ne seront
pourtant jamais remises en cause...
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En 1995, dans l'académie de Bordeaux, les sujets de philo des bacs technologiques ont malencontreusement été communiqués à la presse avant le début
de l'épreuve ! Selon les auteures de "L'Histoire du baccalauréat", les candidats ont alors dû plancher sur un sujet de secours... Pire encore, à Perpignan, une trentaine
d'élèves a été placée "en quarantaine" pendant deux heures la même année. On leur avait distribué par erreur des sujets de français
destinés à d'autres candidats, planchant l'après-midi. Des erreurs semblables ont eu lieu elles aussi en 1995 (année maudite) à Landivisiau et à Paris, où des élèves sensés
traiter les sujets d'histoire, avaient reçu des sujets d'économie, programmés le lendemain. Une bourde obligeant le ministère de l'Education à reporter l'épreuve dans toute
l'Ile-de-France.
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En 2001 et 2002, un lycée privé parisien explose les compteurs. De 20 % de réussite au bac S en 2000, il est passé à 57 % puis
75 %. De quoi attirer sur lui les suspicions. Le rectorat est vite alerté par un mystérieux "corbeaux". Il faut dire que le lycée
est devenu centre d'examen et reçoit désormais les copies du bac trois jours avant l'épreuve. Après l'enquête, la direction du lycée reconnaît avoir ouvert les sujets avant
le jour des épreuves "pour voir s'il n'y avait pas d'erreur". Une pratique strictement interdite. Dans le rapport de l'inspection académique, on rapporte aussi que des cours
supplémentaires ont été dispensés quelques jours avant les épreuves de math et de physique. Selon Libération, plusieurs élèves auraient ensuite affirmé que "le sujet du bac était
le même que celui qu'ils avaient révisé"...
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On rapporte souvent les histoires de ces candidats qui tentent d'écrire leurs antisèches à même la peau, parfois sur une grande partie du corps.
Mais on n'était sans doute jamais allé aussi loin pour avoir son bac. En 2004, un candidat d'une vingtaine d'années voulait tant obtenir le précieux sésame qu'il en est venu à
tatouer une partie importante de son cours de physique-chimie sur l'avant-bras. Une vraie "preuve d'amour" pour l'examen puisqu'il
s'agissait d'un tatouage définitif. Le surveillant a heureusement été saisi d'un doute lors de l'épreuve et a alerté le chef du centre d'examen. Pour le lycéen, c'est la
double peine : un examen qui lui est désormais interdit et un tatouage de formules à vie sur l'avant bras. Le bac 2004 restera certainement imprimé longtemps dans sa
mémoire...
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En 2005, c'est une drôle de polémique qui a entaché les épreuves dans l'académie d'Orléans-Tours. Lors des épreuves scientifiques anticipées de la
série L, pour les 30 ans de la loi Veil, on demandait aux lycéens de "dégager des arguments en faveur de l'autorisation légale de l'IVG en France" et "d'argumenter
l'idée selon laquelle l'avortement n'est pas considéré comme un moyen de contraception". Un sujet qui provoquera le tollé au sein de
l'enseignement catholique, la mutation d'un recteur d'académie, mais pas l'annulation des épreuves. La même année, à Rennes, les candidats à l'épreuve de français du bac
technologique étaient invités à se mettre dans la peau d'une jeune somalienne arrivée en France et décrivant "l'intolérance" et le "racisme" des Français. Cette fois, le recteur
de l'académie a été purement et simplement invité au départ.
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L'affaire est encore jugée aujourd'hui et doit donc être traitée au conditionnel. En 2008, une mère de famille corse appelle le recteur de
l'académie et lui demande une "intervention" en faveur de son fils, auquel il manque quelques points pour obtenir le bac. Le recteur, sans doute sensible à ses arguments, l'assure
alors de sa "bienveillance". L'affaire aurait pu en rester là si, lors de l'oral de rattrapage de mathématique, le candidat n'avait pas obtenu un point précieux qui lui permettra
d'avoir son bac de justesse. On soupçonne aujourd'hui le recteur d'avoir contacté un collègue professeur, qui lui-même servira d'écran
entre lui et l'examinatrice. Selon le premier réquisitoire de ce dossier, celle-ci aurait "mis une note de douze ou treize sachant qu'elle serait par la suite remontée au
sein du jury". Quel que soit le verdict, l'affaire restera dans les annales des scandales du bac.
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On a connu ceux qui se faisaient remplacer par des traducteurs. Voici le cas d'un lycéen qui, lui, a décidé de se faire remplacer par deux étudiants
lors de son bac 2008, dans l'académie de Nancy. Ce candidat au bac S, atteint semble-t-il de la phobie des examens, a réussi (ou presque) à envoyer à sa place deux amis
âgés d'une vingtaine d'années, l'un en master et l'autre en classe préparatoire. De quoi obtenir le diplôme sans trop forcer... Ce sont
les autres candidats, en se rendant compte que le lycéen présent n'était qu'un usurpateur, qui ont anonymement dénoncé la supercherie, rapporte le Figaro, qui a traité le
procès dans ses colonnes. Condamné à 3 ans d'interdiction d'examen, le candidat aurait pu écoper de travaux d'intérêt général. Clément, le tribunal l'a finalement dispensé de
peine. Sans doute pour lui laisser le temps de (vraiment) bachoter...
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En 2009, en Isère, un candidat de la filière ES s'est cru permis de consulter ses amis par SMS lors d'une épreuve. "Pour le lycéen, qui a
reconnu les faits, le mode opératoire était simple : poser les questions par SMS et attendre les réponses de ses complices", selon Libération. Mais la fraude aura été de
courte durée : dès sa première ronde entre les rangées de tables, le surveillant a découvert la supercherie. Selon le Dauphiné
Libéré, le portable a alors été confisqué et le candidat autorisé à poursuivre l'épreuve, sans ses complices cette fois. Mais sans grande chance d'obtenir le diplôme. Une
fois un procès verbal dressé pour triche, le recorat a les pleins pouvoirs pour éliminer un candidat et l'interdire d'examens nationaux pendant plusieurs années. Pire : il
peut porter l'affaire en justice et, selon la gravité des faits, obtenir une amende voire une peine de prison.
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Le mieux pour réviser de manière efficace, c'est d'obtenir en exclusivité les copies. En 2009, trois lycéens d'Argenteuil ont essayé de dérober les
sujets du bac dans le bureau de la proviseure de leur lycée. Pendant que deux d'entre eux faisaient le guet, le troisième est entré par effraction par la fenêtre du bureau. Mais
leur plan comportait des lacunes. "Les sujets du bac sous scellés, qui ne se trouvent pas dans mon bureau, n'ont jamais été en
danger", rapporte la proviseure, interrogée par l'AFP. Interpellés, les trois lycéens ont été placés en garde à vue et ont tenté de minimiser les faits. En attendant les
résultats de l'enquête, le ministre de l'Education de l'époque, Xavier Darcos, autorisera les candidats à passer l'examen, parlant de "gaminerie" et de "naïveté". Pas sur en
revanche que ces trois apprentis cambrioleurs, aient finalement obtenu le diplôme.
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Les smartphones sont devenus un véritable casse-tête pour les surveillants du bac. Mieux que des SMS, les candidats peuvent désormais regarder le
corrigé de l'épreuve au moment même où ils sont en train de la passer, des sites Internet proposant des corrigés dès le sujet connu. C'est ce qui s'est passé en 2010 dans un lycée
de Limoges, lors de l'épreuve de philo. Quatre élèves auraient réussi à remplir leur copie en s'inspirant d'un corrigé accessible sur le
Web. Manque de chance, les correcteurs de leur copie étaient eux-mêmes les auteurs de ces corrigés et ont immédiatement reconnu leur prose... D'après les éléments rapportés
dans la presse, les similitudes entre les corrigés disponibles sur Internet et les copies étaient trop flagrantes pour écarter la tricherie. Un débat a lieu aujourd'hui au sujet
d'un éventuel brouillage des réseaux dans les centres d'examen.
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En
savoir plus
Les bonnes vieilles méthodes de triche auraient toujours la cote,
avec en premier lieu les éternelles antisèches qui ont toujours trouvé une petite place dans les poches, les manches, les buvards, l'intérieur des stylos, le dessous des règles ou encore les
dictionnaires, parfois autorisés lors de l'épreuve. Comme il est évidemment autorisé d'aller aux toilettes au milieu d'une composition, ces antisèches deviennent parfois des cours entiers ou des
ouvrages d'histoire, de math ou de géographie, subtilement cachés dans les cabinets en amont. Mains, bras, jambes ou même cuisses avec un jean troué... Recouvrir son corps de cours est aussi une
option pour les candidats. Tout comme la substitution d'identité (par des amis, son frère, ses parents ou même des bêtes de concours rémunérées), qui reste cependant très
rare.
Mais depuis quelques années, des techniques plus sophistiquées émergent
en même temps que se perfectionnent les calculatrices, les téléphones et le matériel numérique. Pour les épreuves scientifiques, la calculatrice programmable, qui permet entre autre d'enregistrer
des formules de maths, est déjà entrée dans les mœurs. Strictement interdits mais de plus en plus petits, les téléphones offrent aujourd'hui aux candidats plus de possibilités : équipés
d'appareils photo et d'outils de traitement de texte, ils permettent presque de faire composer sa copie à l'extérieur. Certaines montres sont elles-aussi très évoluées et pourraient devenir
le prochain cauchemar des surveillants. Si ajoutent les lecteurs mp3 qui, avec une oreillette bien camouflée, permettent parfois de consulter des applications bien utiles. Dernier subterfuge très
en vogue et conseillé par plusieurs sites spécialisés dans la triche : la fausse étiquette à composer sur son ordinateur et à coller sur sa bouteille d'eau ou de
Coca...
Des centres d'examens ont opté pour le brouillage des téléphones portables, mais cela pose un "problème technique et juridique", selon la direction générale de l'enseignement scolaire.
Reste un moyen de lutter contre les fraudes aujourd'hui : la dissuasion. Un tricheur peut être interdit de tout examen national (permis de conduire compris) pendant 5 ans et être
poursuivi devant un tribunal.
Source : L’internaute