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Les États-Unis et leurs fictions

Publié par medisma sur 11 Mars 2018, 19:50pm

Les États-Unis et leurs fictions

 

Les Étasuniens vivent dans un pays toujours plus imaginaire. Les politiciens et la pressetituée travaillent d’arrache-pied pour cela.

Considérez une chose aussi simple que le taux de chômage. Avec un taux de chômage de 4,1% en janvier 2018, en baisse par rapport aux 9,8% de janvier 2010, les États-Unis seraient en plein emploi.

Or le faible taux de chômage est démenti par la baisse permanente de la population active. Après la longue hausse des années 1980, en janvier 1990, le taux de la population active a atteint le sommet de 66,8%, s’est maintenu plus ou moins à ce niveau jusqu’à 2001, année où le déclin a démarré, puis la baisse s’est précipitée à partir de septembre 2008.

De nos jours, le taux de participation au marché du travail étant le plus bas depuis février 1978, tous les gains des années Reagan ont été annulés.

Il semblerait que le taux de chômage actuel de 4,1% résulte de la longue reprise qui aurait prétendument débuté en juin 2009. Or, normalement, en créant des emplois, la reprise économique entraîne la montée du taux de la population active, puisque ceux qui profitent des nouveaux emplois sont comptés dedans. La baisse du taux de participation à la population active accompagne les récessions ou les stagnations, pas les reprises économiques.

Comment expliquer cette contradiction ? La réponse réside dans la mesure du chômage. Si vous n’avez pas cherché d’emploi dans les quatre dernières semaines, vous n’êtes plus compté chômeur parce que vous n’êtes plus compté dans la population active. Quand il n’y a pas de travail à trouver, les demandeurs d’emploi se découragent et cessent de chercher de l’emploi. En d’autres termes, le taux de chômage de 4,1% ne tient pas compte des gens découragés qui ne trouvent pas d’emploi.

Le Bureau des statistiques de l’emploi étasunien calcule un deuxième taux de chômage qui compte les travailleurs découragés inactifs depuis moins d’un an. Ce taux de chômage s’élève à 8,2%, soit le double du taux déclaré de 4,1%.

Le gouvernement ne suit pas le chômage au sein des travailleurs découragés qui ont quitté le marché du travail depuis plus d’un an. Toutefois, John Williams de shadowstats.com, calcule toujours ce taux et le situe autour de 22 à 23 pour cent. Il est sans commune mesure avec les 4,1 pour cent.

En d’autres termes, le taux de chômage de 4,1% ne tient pas compte des chômeurs qui apparaissent dans la baisse de la population active.

S’il y avait des médias imprimés et télévisés à la place du ministère de la propagande aux États-Unis, la presse financière ne permettrait pas de tromper le public sur l’emploi.

Les économistes à deux balles, en surnombre aux États-Unis, racontent que la baisse du taux d’activité reflète simplement la génération actuelle de jeunes qui préfèrent vivre à la maison aux crochets de leurs parents qui payent les factures, et le fait que les gens préfèrent glander avec l’aide sociale au lieu de gagner leur vie. Cette explication des soi-disant économistes n’explique guère pourquoi les gens ont soudainement découvert l’aide sociale, sont devenus paresseux en 2001 et ont renoncé aux opportunités d’emploi. Les économistes de chiqué n’expliquent pas non plus pourquoi la demande de travailleurs ne fait pas grimper les salaires, puisque l’économie est au plein emploi.

Si les gens ne trouvent pas d’emploi et quittent le marché du travail, c’est pour la simple et bonne raison que les entreprises ont déménagé des millions d’emplois à l’étranger pour augmenter les profits ; les dirigeants se partageant les bénéfices en abaissant les coûts de main-d’œuvre. Aux États-Unis, de nombreuses villes industrielles et manufacturières ont été dévastées par le transfert à l’étranger de la production des biens destinés à la consommation intérieure, par le transfert des emplois de l’informatique et du génie logiciel, et par les permis de travail accordés à des travailleurs étrangers moins bien rémunérés. Dans mon livre, The Failure of Laissez Faire Capitalism [La faillite du capitalisme du laissez-faire], je donne des exemples et décrit l’impact dévastateur qu’a eu la délocalisation des emplois dans la communauté, les villes, les fonds de pension et sur le pouvoir d’achat du consommateur.

John Williams, de shadowstats.com, se demande s’il y a vraiment eu de la croissance économique depuis la crise de 2008, qui a été le fruit de l’abrogation de la loi Glass-Steagall. Williams pense que le taux de croissance du PIB est une fiction résultant de la sous-évaluation de l’inflation. Tout comme le chômage est sous-évalué, l’inflation l’est aussi.

La sous-évaluation de l’inflation résulte de l’introduction de deux « réformes ». L’une est le principe de substitution. Quand le prix d’un article du panier de la ménagère servant à mesurer l’inflation, augmente, cet article est remplace par un autre moins coûteux. Les « réformateurs » racontent que les consommateurs adoptent eux-mêmes ce comportement. Ainsi, ils peuvent prétendent que cette pratique est rationnelle. L’ancienne façon de calculer l’inflation évaluait le coût d’un niveau de vie figé. La nouvelle façon de la mesurer évalue le coût d’un niveau de vie évoluant à la baisse.

L’autre réforme consiste à faire passer certaines hausses de prix pour des améliorations de qualité, au lieu d’inflation. Le consommateur doit payer plus cher, mais comme le produit est meilleur, il n’y aurait pas de l’inflation. C’est en partie vrai, mais il apparaît que l’on abuse de cette méthode pour annoncer un taux d’inflation bas. Ces deux réformes sont soupçonnées d’avoir été introduites pour empêcher de réévaluer les prestations de la sécurité sociale pour ses bénéficiaires, en refusant de les rajuster au coût de la vie.

Si la mesure de l’inflation minore sa valeur, se servir de cette valeur pour faire baisser le PIB nominal afin d’obtenir le PIB réel, laisse certains prix élevés dans la mesure du PIB. Il s’ensuit que, dans les comptes, ces prix élevés et l’inflation passent pour des améliorations dans la production de biens et dans les services réels. John Williams soupçonne que depuis la prétendue reprise, la plus grande partie de la croissance du PIB enregistrée n’est due qu’à la hausse des prix, et non pas à l’amélioration de la production de biens et des services réels.

Les moyennes boursières historiquement élevées sont une autre caractéristique de la fiction étasunienne. Les ratios cours/gains élevés ne reflètent pas les bases d’une économie solides, contrairement aux taux élevés d’investissement des entreprises ou de la forte croissance des ventes au détail réelles, alimentée par la forte croissance du revenu des consommateurs. La Réserve fédérale utilise depuis si longtemps l’augmentation de la dette à la consommation pour combler l’absence de la croissance du revenu des consommateurs, que ceux-ci n’ont plus de marge de manœuvre pour s’endetter davantage. Sans croissance des salaires, des revenus ou de l’endettement des consommateurs, la demande de ces derniers ne peut pas stimuler l’économie et les profits des entreprises.

Qu’est-ce qui explique le prix élevé des actions ? Réponse : Les billions de dollars que pond la Réserve fédérale pour stabiliser les grandes « banques trop grosses pour passer à la trappe » et pour renflouer leurs très mauvaises décisions d’investissement. En se retrouvant dans le secteur financier, toutes ces liquidités font grimper le cours des actions et des obligations, enrichissent ceux qui les possèdent et privent les retraités du revenu rapporté par les intérêts de leur épargne. Le cours des instruments financiers est soutenu par la création monétaire, pas par leur fonction économique sous-jacente. En dépit cela, le cours moyen des actions sert à attester de la reprise économique et à placer les États-Unis à la première place économique dans le monde.

Comme je l’ai dit, l’endroit où nous vivons est un pays toujours plus imaginaire.

 

Paul Craig Roberts

Original : www.paulcraigroberts.org/2018/03/08/make-believe-america/
Traduction Petrus Lombard

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