HISTOIRE DE LA COLONISATION :
LES TROUPES FRANCAISES ASSIEGEES A DAR KADI
Le 15 décembre 1912, l'autorité française de Mogador fut alertée par les services militaires des renseignements de l'existence d'une agitation a priori grave à l'extérieur de l'agglomération.
Une colonne de quatre mille cinq cents soldats, sous le commandement du lieutenant-colonel Ruef, fut immédiatement dirigée vers le lieu du soulèvement se trouvant dans la région des Haha, à une trentaine de kilomètres de la ville dont le potentiel de défense fut accru par l'arrivée de deux compagnies du 3ème régiment des zouaves, d'une section de mitrailleuses et de cavaliers embrigadés de force, recrutés dans les tribus avoisinantes de Chiadma et Meskala. Tous ces soldats se lancèrent sous les ordres du commandant Massoutier vers Souk el Had Smimou. Le but de la campagne fut de neutraliser les rebelles Hihi.
Coup de théâtre! Les grands caids berbères de la région, Anflous et Guellouli ainsi que la majorité des soldats et cavaliers marocains de la colonne française firent défection.
Le chef d'escadron Massoutier, sentant le danger qui le guettait décida de lever le camp à deux heures du matin pour assurer la sécurité de sa colonne. Mais les insurgés hihi passèrent immédiatement à l'attaque. La bataille au corps à corps fut engagée et dura plusieurs heures.
La colonne fut presque anéantie et les marocains s'emparèrent de plusieurs caisses de munitions et d'un grand stock de fusils Lebel de modèle récent.
Ce qui reste de la troupe française prit la fuite pour se réfugier à Dar el Hadj Ali el Kadi, dite Dar Kadi, située non loin des lieux où se déroula la bataille. C'est une maison berbère, d'aspect solide, clôturée d'un mur d'un mètre et demi de hauteur.
A dix heures du matin, la troupe amputée d'un grand nombre de morts et de déserteurs, était enfin à l'abri.
Durant toute la soirée et toute la nuit, la petite garnison était harcelée de toute part. Les insurgés marocains appelaient leurs compatriotes à déserter.
Un soldat du Tabor parvint finalement à se glisser hors des murs le 18 décembre au soir, totalement dénudé, pour rejoindre Mogador et aviser les autorités d'occupation.
A partir de la journée du 19, la soif devenait de plus en plus lancinante : il n' y avait même pas une goutte d'eau pour les blessés et les malades. Le chef d'escadron Massoutier désigna une patrouille de trente volontaires et leur demanda de tout tenter pour atteindre le puit. Vingt minutes plus tard, les soldats revinrent bredouille et eurent quatre tués et plusieurs blessés dont le chef lui-même.
La journée du 20 décembre fut extrêmement dure, la garnison souffrant atrocement de soif. Toutes les tentatives pour atteindre le puit, les sources ou l'oued se heurtèrent aux tirs des révoltés. la seule solution pour les assiégés fut de boire leur propre urine mélangée à du permanganate.
Le 21 décembre, ils furent en outre obligés d'abattre les chevaux et les mulets de convoi pour se nourrir. Bien plus préoccupant que l'absence d'eau et de vivres est le manque de munitions. La petite troupe était donc à la merci d'un massacre généralisé.
Le 24 décembre, veille de Noël, vers huit heures du matin, des grondements sourds parvinrent aux oreilles des assiégés : une bataille terrible était engagée entre l'armée de secours envoyée par le général Lyautey et les insurgés. Elle dura toute la journée et la soirée. Ce fut seulement à la nuit tombante que la colonne parvint à briser l'encerclement de Dar Kadi au prix de lourdes pertes : plus de vingt tués et une soixantaine de blessés. Le colonel Brulard, chef des unités françaises, reconnut qu'il fallait combattre sans arrêt un adversaire particulièrement coriace.
Le lieutenant Chamard, voulant hisser fièrement le drapeau tricolore sur l'une des tours de Dar Kadi, s'écroula, tué net, victime d'une balle tirée de l'extérieur par un insurgé.
Tous les soldats de l'armée française ne purent rejoindre Mogador, située à une trentaine de kilomètres, qu'au bout de trois jours de marche en raison des attaques incessantes des marocains.
Et en cette fin d'année 1912, le Maroc était plongé dans une insurrection généralisée: des tribus soulevées tenaient la campagne, des chefs rebelles surgissaient dans diverses régions et 80% du territoire était en dissidence active. La situation dans le pays était donc loin de la pacification souhaitée par la France. Et pour cette dernière, ce ne fut que le début d'une pénible, longue et coûteuse aventure.....
Medisma