La France coloniale et l'Empire Chérifien : L'occupation d'Alger et la guerre franco-marocaine
Nous sommes en l'an 1830 de l'ère chrétienne.
L'événement capital et décisif qui devrait par ses conséquences à lointaine portée introduire un jour la France au Maroc, a été la prise d'Alger.
Par cette occupation, la France se trouvait substituée aux Turcs. A son tour et comme eux, elle devrait se heurter aux populations guerrières marocaines et au Sultan du Maroc, dont une partie de la population "algérienne" se réclamait de son autorité religieuse et sollicitait sa protection contre les nouveaux envahisseurs.
Par la force des événements, l'Emir Abdelkader devait devenir un chef à la fois marocain et algérien. Sa lutte armée contre l'occupant va le rapprocher du Sultan Abderrahman. Ce rapprochement aura pour conséquence, l'intervention des troupes chérifiennes et rendra inévitable la bataille d'Isly.
Pour mieux comprendre le rôle que jouera le Sultan dans ce conflit franco-marocain, il ne faut pas perdre de vue que, de tout temps, les souverains chérifiens ont exercé un pouvoir à la fois temporel et spirituel. Si leur pouvoir temporel était loin de s'étendre sur l'ensemble du pays, leur pouvoir spirituel s'étendait bien au-delà de leur empire. Le Sultan du Maroc est demeuré, au cours des siècles, le commandeur des croyants. A Alger, au Sahara, en Mauritanie et jusqu'au Sénégal, nombreux étaient les musulmans qui disaient la prière en son nom. Le descendant du Prophéte pouvait-il rester sourd à l'appel des populations musulmanes d'Algérie qui se réclamaient de lui et sollicitaient son appui dans leur résistance contre les ' infidèles '? Pouvait-il rester sourd aux appels à la guerre sainte lancés par l'Emir Abdelkader? Et le voisinage des troupes françaises fraîchement installées dans les confins algéro-marocains, apparut bientôt au Sultan plus inquiétant que celui des troupes beycale.
Aussi se trouva-il enclin à répondre aux appels qui lui venaient de la population de Tlemcen. Dés les derniers mois de 1830, il faisait occuper la ville par ses soldats et y établissait un khalifa.
Le gouvernement de Louis-philippe voulut maintenir ce conflit sur le terrain diplomatique. Le Sultan ayant répondu à la France que de Constantine à Tlemcen les populations l'avaient reconnu pour Sultan et que, ces populations étant musulmanes, son devoir était d'accueillir leur reconnaissance.
Mais finalement, un accord fut conclu entre les deux parties, du moins sur les questions essentielles. Le Sultan renonçait à ses prétentions sur Tlemcen et sur le territoire de l'ancienne Régence, tant que durerait l'occupation française. Cette dernière réserve marquait bien l'espoir que l'on conservait à la cour chérifienne.
Toutefois, Sa Majesté continuait à apporter un appui à Abdelkader sous forme d'armement et d'équipement militaire. Les ministres français successifs des affaires étrangères de leur côté, ne cessent d'exercer par l'intermédiaire du consulat général de France à Tanger une vive pression sur le Sultan pour le ramener au respect des promesses de neutralité si souvent faites par lui.
En 1842, la France massa ses troupes le long de la frontière. La crainte se répondit aussitôt à travers le Maroc que l'armée française s'apprêtait à envahir le Maroc. L'agitation qui gagna l'ensemble du pays, fut particulièrement vive sur les confins.
En 1844, la France renforça davantage sa présence en décidant la création de trois nouveaux postes militaires frontaliers dont l'un à Maghnia à une dizaine de kilomètres d'Oujda. Au même moment, le Sultan proclama le jihad.
Le 22 mai de la même année, le caid d'Oujda intima ordre au général La Moricière d'évacuer le poste de Maghnia et de porter ses troupes sur l'autre rive de Tafna, cette rivière constituant apparemment la limite des deux pays. Le général répondit que ce poste avait été établi en territoire sous autorité française en vue de faciliter la surveillance des tribus algériennes voisines de la frontière.
Le 30 mai, le poste fut attaqué par des cavaliers makhzéniens. Le gouvernement français chargea aussitôt son Consul à Tanger de faire parvenir au Sultan un ultimatum formulé comme suit:
" 1°- Désaveu de l'inconcevable agression;
2°- Dislocation des corps des troupes marocaines massés à Oujda et sur la frontière;
3°- Rappel du caid d'Oujda et des autres agents qui ont poussé à l'agression;
4°- Renvoi d'Abdelkader du territoire marocain ".
Le consul rappela en outre que la France n'avait aucune intention de prendre un pouce du territoire marocain et insista auprès du monarque chérifien pour que de telles agressions n'aient plus lieu.
Au même moment, une division navale commandée par le prince de Joinville, vint croiser sur les côtes marocaines.
A la demande du gouvernement français, Sir Drummond-Hay, consul général du Royaume-Unis à Tanger, entreprit une démarche de reconciliation. Arrivé à Marrakech, il fut reçu par le Grand Vizir. Les pourparlers n'aboutirent à aucun résultat concret.
L'ultimatum adressé par le consul français à Abderrahman par lettre de 28 juin 1844 demeurait sans réponse. Bugeaud vint se joindre avec ses renforts aux troupes de La Moricière.
Le 24 juillet, le consul français adressa un dernier avertissement au Gand Vizir, le menaçant de rétorsions au cas où il n'obtiendrait de réponse acceptable à l'ultimatum dans un délai de huit jours.
Le 5 août, faute de réponse, Paris autorisa le prince de Joinville, commandant de la flotte de guerre stationnée en rade à Tanger, d'entrer en action, de concert avec la maréchal Bugeaud.
Le 6 août, Tanger fut bombardée. Les remparts et la Kasbah furent démolis.
Le 14 août l'armée française forte de dix mille hommes, envahit le territoire marocain. L'armée sultanienne, sous les ordres de Sidi Mohammed, fils du Sultan, lui opposa une résistance farouche mais finit par s'incliner devant la puissance de feu des envahisseurs dotés d'un matériel de guerre considérable et moderne.
Quelques jours plus tard, exactement les 15 et 16 août, les vaisseaux français vinrent bombarder Mogador, considérée comme l'entrée portuaire la plus importante du pays. L'objectif était de la ruiner. En effet, les douanes de cette cité alimentaient le trésor chérifien. Les soldats et marins français occupèrent la grande île faisant face à la ville jusqu'à ce que satisfaction leur soit donnée.
Ce conflit militaire ou bataille d'Isly, constituait la première guerre déclarée entre la France et le Maroc.
Medisma